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jeudi 28 janvier 2021

Dernier tableau (13)

Le temps très ensoleillé lui permet de faire encore de belles randonnées. Il reçoit son ordinateur le mardi et la semaine se termine sans qu’il s’en aperçoive. Le samedi, en tout début d’après-midi, il décide quand même de faire un saut chez Marondeau, bien que ce soit un jour où il y a davantage de clients.

Il pousse la porte et voit Raymond qui lève les bras au ciel.

 

– Mon cher Hervé, vous ne pouvez pas mieux tomber, j’ai besoin de vous immédiatement, est-ce possible ? demande l’antiquaire.

– Je ne sais pas ce que vous allez me demander, mais dites toujours, si je peux vous être utile, ce sera avec grand plaisir…

– Je vous explique, mais d’abord je vous prie de m’excuser pour cet accueil sans ménagements, ajoute-t-il en souriant. Comment allez-vous depuis tout ce temps ?

– Bien, très bien, mais et vous, que vous arrive-t-il que vous ayez ainsi besoin de moi ?

– Madame Le Blévec, vous vous souvenez ?

– Oui, elle est venue l’autre jour et vous m’avez fait brièvement sa notice biographique après son départ, répond Hervé.

– Chut, chut, oubliez tout cela pour le moment, on pourrait nous entendre. Madame Le Blévec, donc, veut qu’on lui amène cet après-midi le tableau, vous savez, la marine de Leyden que je lui ai proposée. Il faut la lui porter, décrocher un tableau de son salon et suspendre cette marine à la place. Le tableau est assez grand et l’on n’est pas trop de deux pour ce travail. J’ai quelqu’un qui me fait habituellement mes transports et les petits travaux nécessaires à la mise en place des meubles que je vends. Ce monsieur s’appelle André, il va arriver. Mais à mon âge, vous comprendrez que je ne puisse lui être d’aucune utilité et j’ai toujours été absolument nul pour ce genre de choses. Alors que vous, qui êtes encore jeune…

– Plus jeune que vous, en effet, Raymond. Je suis à votre disposition, mais je n’ai que mes deux bras.

– André est un homme formidable, vous verrez, il a tous les outils qu’il faut, vous irez avec lui en voiture chez Le Blévec et je suis sûr que vous vous en sortirez fort bien. Et surtout, laissez parler André, c’est un technicien, mon factotum habituel et il sait ce qu’il faut dire ou ne pas dire avec ces gens. Vous avez vu comme elle est, il ne faut pas la froisser.

– Je serai aussi transparent que l’autre jour au magasin, lors de la visite de Madame Le Blévec. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais elle ne m’a même pas aperçu…

– Surtout ne dites que le strict nécessaire et faites comme André vous le dira. Vous me sauvez la mise, mon cher ! André a besoin d’un aide, c’est fragile, un tableau… Ah, le voilà, bonjour mon cher André. Je vous présente mon grand ami Hervé Magre, il a accepté de vous accompagner chez Madame Le Blévec.

– Bonjour, Monsieur Magre, votre présence sera nécessaire, merci beaucoup. Je vais décrocher le tableau, où est-il ? interroge André.

– Attention, attention, dit Marondeau, c’est fragile un tableau. Mais je vous fais entièrement confiance. Suivez-moi.

 

Avec l’aide d’Hervé, André décroche le tableau. Il l’emballe soigneusement dans plusieurs couches de papier kraft, puis dans une ample couverture. Ils prennent le tableau et sortent du magasin. La voiture d’André est une vétuste deux chevaux fourgonnette, mais il pose avec soin le paquet et invite Hervé à monter du côté passager.

 

– En avant, dit-il en démarrant, vous n’avez pas peur dans mon bolide ?

– Oh, vous savez, j’étais mécanicien, j’en ai vu de toutes sortes et celle-ci me rappelle le bon vieux temps, répond Hervé.

– Une chose, Hervé, enfin vous permettez que je vous appelle Hervé ? s’exclame André qui, sans attendre la réponse, poursuit. Une chose donc, laissez-moi à la manœuvre chez Le Blévec, contentez-vous de faire ce que je vous dis. La mère Le Blévec, c’est une chieuse et une chose est certaine c’est qu’elle va nous casser les couilles, si je peux dire. Mais on est payé pour ça. Enfin, moi en tout cas… Donc, vous me laissez faire, je m’en démerde de la vieille, je la connais. Et puis, à tout prendre, je préfère avoir affaire à elle plutôt qu’à son mari. Il est tellement con qu’on ne peut rien en sortir. Elle au moins, elle sait ce qu’elle veut et quand elle a une idée dans la tête, elle ne l’a pas ailleurs, il suffit d’en tenir compte…

 

 

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dimanche 24 janvier 2021

Contes et histoires de Pépé J (21) Le Drac et la rivière

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. La géographie de notre pays est profondément marquée par son hydrographie. C’est bien pour cela que la plupart des départements métropolitains ont été nommés à l’aide des cours d’eau qui les baignent. Car les fleuves et les rivières traçaient historiquement des voies de communications dans les vallées qui les contenaient, non seulement de par la possibilité du transport fluvial mais aussi par le fait qu’il est souvent plus facile de se déplacer en suivant les grands cours d’eau qu’en escaladant collines et montagnes. L’hydrographie de la France est riche d’un réseau de fleuves, de rivières, de ruisseaux, de ruisselets et rus, de fossés, de résurgences et de sources. Dans son livre »Histoire d’un ruisseau », Elysée Reclus écrit : « : « L’histoire d’un ruisseau, même celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini ».  Bien sûr, c’est l’histoire de l’infini puisque le ruisseau dans toutes ses pérégrinations voit ses eaux finir dans la mer et les océans mais aussi parce que l’eau de sa source elle-même est nourrie par des flux souterrains eux-mêmes réalimentés par les eaux venues du ciel. De même, je me demande toujours si c’est le ruisseau qui a créé la vallée ou la vallée qui a canalisé le cours des eaux.

C’est une recherche passionnante de remonter, ne serait-ce qu’en pensée ou sur une carte, depuis les grands fleuves jusqu’au moindre filet d’eau en amont, même perdu dans la mousse. Prenons la Garonne par exemple. Quand on la remonte, après avoir passé le Lot et d’autres petits affluents, on arrive à la Séoune qui passe sous Puymirol pour remonter à travers le Pays de Serres vers le Quercy. Quand on suit cette rivière, affluée par un bras nommé Petite Séoune qui passe en dessous Beauville, puis elle remonte vers Saint-Maurin où vient la rejoindre l’Escorneboeuf. Avec tous ces petits affluents, on n’est plus dans les larges vallées limoneuses mais un trouve un réseau de petits cours d’eau parfois intermittents et qui passent dans des entrelacs de broussailles parfois difficiles à pénétrer. Ces endroits sont chéris par le petit peuple des bois et des rivières car ils sont à l’abri des regards incultes de ceux qui ne croient à rien ou qui disent qu’ils ne croient qu’à ce qu’ils voient mais qui ont des yeux pour ne point voir.

Pour rencontrer ce petit peuple, il faut avoir l’esprit frais et la candeur de ceux qui savent que le monde est plus que ce que l’on nous en dit. Vous aviez pressenti que j’allais vous parler du drac et vous aviez bien raison. En effet, j’ai déjà cité Jean-François Bladé il y a peu, il fait autorité en la matière. Mais cette fois je vais vous dire comment j’ai rencontré un drac et pourquoi. Il y a plus de quarante années, à une époque où j’ignorais tout de l’existence de ces drôles de petits bonshommes, j’étais descendu dans les combes avec mon coupe sègue pour réparer quelque clôture qui passait dans des fourrés de ronces, de vergnes et d’ormeaux. Il était tard, près de neuf heures le soir, une brume légère commençait à monter du mince filet d’eau courant au fond du fossé et la fraîcheur se commençait déjà à se faire sentir. Je me faufilais toutefois dans les broussailles, taillant de ci de là ce qui me gênait quand je vis à une vingtaine de mètres un petit homme, très petit comme un gnome mais sérieux et qui ne bronchait pas. Il était habillé d’une cape grise et coiffé d’un petit chapeau noir, d’une forme de canotier mais avec des bords étroits. Je ne voulus pas l’interpeller, cela m’aurait paru incongru et je compris que j’avais eu raison sinon il aurait disparu sans que je ne puisse jamais le revoir. Il m’expliqua brièvement qu’il était un drac, petit génie des campagnes. Qu’on les disait souvent malfaisants mais c’était parce que nombre de paysans détruisaient leurs lieux de vie sans se soucier d’eux. Il me fit comprendre que, si je respectais autant sa personne que son environnement, il serait mon bon génie et que je pourrais même faire appel à lui dans les situations de détresse. C’est ainsi que je le nommai T’Inquiète et ce drac m’a toujours protégé depuis car nous vivions dans le respect mutuel. Encore aujourd’hui, si je vous disais… mais je ne dirai pas, je le lui ai promis. C’est lui qui m’a permis d’écrire mon premier livre qui s’appelle « Le temps de l’éternité » dans lequel je parle d’un drac et si vous voulez en savoir plus, lisez-le.

 

Voilà, c’est tout et c’est une vraie histoire,

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jeudi 21 janvier 2021

Dernier tableau (12)

 

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– Ce poignard serait donc une sorte de noir talisman, un porte-malheur si l’on peut dire…

– Je n’irais pas jusqu’à dire cela, il ne m’a rien fait à moi, comme s’il voulait rester chez moi, là où il serait tranquille.

– Aurait-il la force d’aimer ? ose Hervé en se demandant quel écho aurait sa phrase.

– Objets inanimés, avez-vous donc une âme, qui s’attache à notre âme, dit Marondeau.

– Et la force d’aimer, reprennent-ils en chœur.

 

Là, Marondeau a un geste qui surprend Hervé, il tend sa main gauche, paume à la verticale et la lui tend afin qu’il tape dedans. Ils éclatent de rire et il poursuit :

 

– Allons, on a des lettres ou on n’en a pas. Et pour parler comme Laurel et Hardy : « Shakespeare, Lamartine, qu’est-ce qui sort de la cheminée ? ».

– La fumée, mon cher, à moins que vous ne préfériez le Père Noël !

– Passons à un scrabble, nous en avons encore le temps, à moins que je ne vous aie trop impressionné avec mon histoire…

– Non, vous me devez une revanche, Raymond, sauf si vous avez une autre histoire à me raconter.

– J’ai une autre histoire à raconter, mais pas aujourd’hui. Je suis comme Shéhérazade, pas plus d’une histoire par jour. Ou par nuit…

– Oui, mais la dernière fois, vous m’aviez donné le nom de l’histoire, c’était l’histoire du couteau turc…

– Eh bien la fois prochaine, ce sera l’histoire sans nom…

– Bien, je ne demande plus rien, jouons…

– Un indice : cela s’appellera « l’histoire que m’a rappelée la connasse d’avant-hier », dit Marondeau.

– Voilà un mot bien trivial, vous parliez plutôt de pétasse, me semble-t-il.

– Je suis désolé et vous avez mille fois raison, c’est une pétasse et je ne suis qu’un vil calomniateur… jouons.

 

Cette fois, il a effectivement droit à une revanche éclatante, Raymond n’a aucune chance contre trois scrabbles lourdement rémunérés. Ils conviennent donc qu’une belle sera indispensable pour les départager.

 

*

(à suivre...)

dimanche 17 janvier 2021

Contes et histoires de Pépé J (20) Les anonymes de la St Anthelme (suite)

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Et voilà la suite des anonymes de la Saint Anthelme, cette histoire de Céline Carmentran. Celles que je trouve toujours très drôles ce sont les femmes qui d'un coup se retrouvent complètement dépassées par leurs achats, vous savez celles qui ont commencées par une petite pochinette de rien du tout et qui brusquement adoptent une démarche de funambule tellement qu'elles croulent sous le poids de leurs trouvailles! Je lève les yeux au ciel, toujours pas de pluie. Je remarque une dame au dernier étage d'un bâtiment, accoudée à la rambarde de son balcon. Elle regarde le Monde passer, elle aussi. Elle a mis des plantes vertes et des moulins à vent partout sur sa terrasse, mais je crois qu'il n'y a que moi pour admirer tout cela... Quand je reviens sur terre il y a deux jeunes amoureux qui ne doivent pas dépasser les 16 printemps... Je suis prête à parier qu'ils ont raconté à leurs parents qu'ils allaient à la bibliothèque ! Ils me font sourire avec leur manière timide de se tenir par la main, comme si c'était puni par la loi. Bon il est temps d'aller manger, tout le monde (pigeons compris) a déserté. Me voilà en terrasse Messieurs Dames ! Je demande à la première serveuse que je trouve s'il est encore possible de manger en cette heure tardive. Elle doit être nouvelle je pense car je vois que je l'angoisse une peu. Elle a les cheveux très courts et déborde de gentillesse, son sourire est poli et je vois qu'elle se donne du mal pour faire tout comme il faut. Entre dans la danse un jeune garçon qui, je pense, vient en renfort. Je comprends de suite qu'il connaît la maison. Il a des airs de jeune branché décontracté, limite globe-trotter. Il remarque immédiatement mon cahier ouvert et mon stylo prêt à écrire... il est énergique et souriant. Il me parle de mon tatouage au bras bien avant le menu du jour et me raconte spontanément qu'un ami à lui est tatoueur. Pour la petite anecdote ce dernier eu la maladresse de tatouer deux fois la même date de naissance sur le corps d'un jeune fille qui souhaitait la sienne et celle de son compagnon. Heureusement donc, puisque la dite jeune fille est revenue 1 mois après pour le remercier de sa maladresse, le couple venait de se séparer et le pire avait donc était évité! Bref, revenons un peu à nos moutons et surtout à cette fantastique bavette, un délice. Je tiens aussi à vous parler un peu de certains spécimens ici présents. Le vantard tout d'abord. Celui qui se tient comme s'il était dans son canapé et qui raconte à qui veut bien l'entendre qu'il a conduit six Boeing 747 avec ses pieds et sauvé quatorze belles femmes de la noyade dans le port de Saint-Tropez. Sérieusement. Ces gens sont vraiment constitués comme nous ? Je veux dire cérébralement parlant?... N'oublions pas également LE sale con de terrasse qui bien sûr trouve toujours le café trop froid, le service trop long, le vent trop fort et SA table trop bancale...Et évidemment c'est celui qui s'installe juste à côté! Je ne sais pas pourquoi ce genre de type trouve toujours le moyen de faire ses remarques bien fort pour que toooooooooooous le monde entende, et à peine sa phrase terminée il affiche un grand sourire de vainqueur en cherchant tout autour de lui l'acclamation du "public". Comme si toute l'assemblée allait se lever en faisant une grande Ola générale en hurlant "Ouaiiiii !!!Bien dit Michel! Et pour Miche Miche HIP HIP HIP!!!!" Moi en tout cas je me suis régalée! J'aime les gens d'ici, j'aimerais passer toute ma journée à écrire sur ma petite table ronde. Dans mon petit coin, ici je vois tout le monde. La dame à ma droite qui me voit écrire en mangeant pense que je suis critique culinaire, elle vient de le dire à sa copine. Alors je rigole. Il y a des filles dans des minis robes, ou des minis robes dans des filles ça dépend comment on analyse la surface couvrante du tissu... J'ai perdu ma petite serveuse aux cheveux courts. La terrasse est pratiquement vide maintenant. Le jeune serveur de tout à l'heure est aux petits soins et rigole à chacune de mes commandes! Il me dit avec son sourire "j'ai l'impression de servir une enfant". Suis-je vraiment la seule à boire de la limonade? N'y a-t-il que moi pour ne pas aimer les ananas parce qu'ils sont durs à manger ? Et oui…je l'avoue je bois encore du chocolat après le repas parce que le café c'est pour les grands... Il me fait rire ce serveur, avec ses cheveux qui dansent dans le vent il tourbillonne comme une feuille entre les tables. Il porte des lunettes mais il a tellement les yeux rieurs qu'on les oublies totalement. Quand on le regarde faire on a l'impression qu'il est né ici, au milieu des tables et des menus du jour. Il est à l'aise avec n'importe qui et avec n'importe quoi dans les mains. C'est un magicien de la commande. Il joue avec son plateau et jongle avec ses tickets. Il me parle de son arrière-grand-mère, décédée il y a deux jours,  et de la vie qui continue. C'est un enfant lui aussi, mais il sait comme moi comment la vie doit être vécue. Il dit qu'il joue de la musique, qu'il s'appelle Cédric et que mon blog est une super idée! L'heure a tourné sans que je m'en rende compte, il finit son service lui aussi. Encore de belles rencontres aujourd'hui...Avant de partir Monsieur Cédric, n'oubliez jamais ceci: L'essence même de la vraie vie restera toujours dans le chocolat au lait et les sourires enfantins... Merci mon ami et au plaisir de vous revoir.

Voilà, c’est fini et c’est une vraie histoire. Merci Céline Carmentran.

 

 

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