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dimanche 31 octobre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (7) Rue Lafayette

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Comme promis, je vous récite aujourd’hui le poème pour lequel j’ai obtenu une première médaille de bronze au Jasmin d’Argent, au titre de l’année 2020. Cela se passait à Agen, à la fin du siècle passé.


Rue Lafayette

Parti un beau matin, sifflotant nez en l’air

Je m’en allais à pied, flâneur à l’aventure

Pour voir les magasins, mater leur devanture

Sans souci ni tracas, dans un horizon clair.



Les gens indifférents passaient et bousculaient

Un vieillard affalé, pleurant, laissé pour compte,

Semblant être pressés puis sans aucune honte

Regardant droit devant, calmes, déambulaient



Assis sur le trottoir, l’homme faisait pitié,

Le visage éraflé, tremblant, le teint livide

Il tendait une main dans une quête avide

D’un sincère soutien, d’une franche amitié.



« Je suis un Parkinson et j’ai mon traitement

Je dois rentrer chez moi, s’il vous plait, je vous prie

Mon épouse est aveugle et ma pauvre chérie,

Elle a besoin de moi sans perdre un seul moment »



Alors je relevai son corps, ses os tremblants,

Une dame passait, se porta à notre aide

Soulevant le cabas, ramassant un remède

Et, sans même y penser, tacha ses beaux gants blancs



Je peinais à tenir l’homme et à le porter

Souffrant il grelottait, vibrait de chaque membre

Malgré le soleil froid de cette fin novembre

Fallait-il le soigner et qui donc alerter ?



Fort en gueule, un passant, sûr de lui, nous mugit :

« Appelez les pompiers ou bien une ambulance »

Dès qu’il entend cela, notre vieillard s’élance

Pas d’hôpital pour lui, seulement son logis.



Puis arrivés chez lui, raide était l’escalier

Et son appartement au tout dernier étage.

Alors nous le traînions, lui et son paquetage

Chaque marche en suivant et jusques au palier



Sa femme avait ouvert, or nous restions piteux,

Voyant la pauvreté de ce couple sensible

Notre présence était pour eux bien trop pénible

Mais que faire, rester ? Ou bien partir honteux…

jeudi 28 octobre 2021

Dernier tableau (48)

 Sur ces mots énigmatiques, elle s’éloigne, emmenant ses enfants dans son sillage. Un peu perplexe, Hervé grignote des chips et des cacahuètes qu’il partage avec un monsieur dans les cinquante-soixante et qui s’adresse à lui.

 

– Vous vous intéressez à Artur Leyden ?

– Oui et non, répond Hervé, je suis venu voir, simplement, comment dire ? Oui, je m’y intéresse mais sans plus… Et vous ?

– Je suis correspondant du Courrier d’Émeraude et je viens en quelque sorte par obligation. Vous avez dû voir notre photographe, il a fait quelques photos et il s’est éclipsé. Je suis là pour écrire un compte-rendu de l’inauguration, mais cela n’est jamais très original. Il faut citer les personnalités présentes et brosser un rapide portrait du commémoré. Toujours la même chose. Pour moi, ce qui est intéressant, c’est de parler des anonymes qui se sont déplacés, leur donner la parole. Je cherche à savoir pourquoi les gens viennent à ce genre d’inauguration. Sans vouloir me lancer des fleurs, je crois qu’à travers mes articles on peut discerner un vrai travail anthropologique, ou sociologique. Vous êtes de Saint-Lambaire ?

– Disons que je suis un lambairien récent, je suis installé depuis peu ici, mais extra muros, répond Hervé, pris au dépourvu.

– Et vous êtes venu exprès pour cette inauguration, ou vous passiez en ville ?

– Oui, en lisant le journal, j’ai vu un entrefilet qui annonçait… mais je ne voudrais pas que vous parliez de moi… je n’ai rien à voir avec tout cela, ma présence ici est sans intérêt pour personne, se reprend Hervé.

– Ne vous méprenez pas, je ne veux pas faire de vous une sorte de cobaye, je cherche simplement à rencontrer des gens qui sont présents et à parler de leurs motivations, de leurs intérêts. Toujours mettre en exergue les notables, les politiciens et les hauts fonctionnaires, passer la brosse à reluire, cela ne m’intéresse pas. Mais je ne veux pas non plus violer l’intimité ou la conscience des gens que je rencontre et dont je veux parler. Si cela vous déplait, je vous laisse tranquille. Mais je vous invite à lire mes articles si vous en avez le temps, vous verrez que je ne me moque de personne.

– Je ne connais pas le Courrier d’Émeraude, jusqu’à présent je n’ai eu l’occasion de lire que les quotidiens régionaux les plus connus, mais je vous promets d’acheter votre journal cette semaine. C’est bien un quotidien ?

– Oui, il paraît tous les jours sauf le dimanche. Mais les évènements du dimanche ne paraissent bien souvent que le mardi ou le mercredi. Le lundi, réservé aux sports. Mais le mardi et le mercredi, on est au creux de la vague en quelque sorte. Donc, place aux inaugurations de chrysanthèmes et autres blablas officiels. Et si je peux agrémenter mon article avec de l’insolite ou avec du vécu, je peux vite faire une demi-page. Les notables m’en sont reconnaissants car s’ils ne sont pas au centre de mon écrit, ils sont cités dans un vrai article et pas dans un entrefilet. Je fais d’une pierre deux coups : un peu de brosse à reluire - quand même - d’une part, et je me fais plaisir d’autre part. Voilà. Donc, lisez le Courrier et vous m’en direz des nouvelles. Excusez-moi, mais je vais aller un peu à la pêche dans l’assistance.

 

Le journaliste fend la petite foule et interpelle quelques personnes. Hervé se dit que le personnage n’est pas sans intérêt. Il se hausse un peu du col lorsqu’il parle d’anthropologie et de sociologie, mais sa démarche est, telle qu’il la présente, assez sympathique. Il se laisse resservir en whisky et se bourre de gâteaux salés. Un peu plus loin, il voit Sara et son mentor en grande conversation avec Lepetiot et Le Blévec. Apparemment, Antonia a quitté les lieux et Madame Le Blévec est au centre d’un petit groupe auquel s’est joint le journaliste. Un vieux monsieur et son épouse, un peu perdus, lui demandent si la cérémonie a eu lieu. Ils sortent de la messe et viennent seulement d’arriver. Hervé leur propose de boire quelque chose ou de se restaurer, mais ils ne veulent rien.

 

– Monsieur Estrade était-il présent ? demande le monsieur.

– Ce monsieur qui était conservateur du musée ? Celui qui a écrit une monographie sur Artur Leyden ? s’enquiert Hervé.

– Oui, vous l’avez vu ?

(à suivre...)

dimanche 24 octobre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (6) Château de Malagan

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Les siècles passent et l’être humain perdure avec ses heurs et malheurs. Voici une bien intemporelle histoire de crime.

Cela s’est passé au château du baron de Malagan . Il y fut assassiné le jour où il y épousa Sylvaine de Vibaulieu. L’union venait d’être célébrée et le baron menait ses invités vers la salle à manger où se tiendrait le repas de noces. En passant devant une lourde tenture tendue devant les commodités, il s’affaissa, mortellement blessé d’un coup de dague porté à travers le rideau. On écarta le rideau mais nul ne vit qui que ce soit derrière. Et la seule issue était par cette portière, ce lourd rideau pourpre doublé d’une grossière toile brune…

Les plus éminents invités firent asseoir les personnes présentes autour de la table de la salle à manger. On envoya quérir le lieutenant de police qui arriva avec ses gendarmes. Une chose était certaine, le meurtrier n’avait pu s’enfuir et faisait donc partie des personnes présentes. Le lieutenant de police procéda à un interrogatoire après avoir examiné la scène de crime. Il demanda en priorité à la toute jeune veuve si son époux avait, à sa connaissance, quelque ennemi. Après avoir fondu en larmes, celle-ci répondit par la négative. Ensuite, il demanda aux personnes présentes de parler de leurs relations avec le défunt. Il en ressortit que la famille de la jeune mariée avait accepté cette union avec quelques réserves, le marié étant de noblesse toute récente. Mais il possédait toutefois une jolie fortune qui avait permis de faire passer la pilule. Du côté des voisins et amis, il comprit que le baron était dur en affaires mais toujours honnête et loyal. On comprit aussi que les voisins non invités avaient eu parfois maille à partir avec le baron mais cela ne permettait pas de les incriminer. Quant à l’abbé, curé de la paroisse, il ne pouvait que dire du bien de ce fidèle chrétien, soucieux des biens de l’église autant que des paroissiens nécessiteux. Il y avait encore le frère du défunt, moine prédicateur itinérant, vêtu de bure et de componction, que son frère avait tenu à inviter à son mariage. Ils ne s’étaient plus vus depuis de longues années sans qu’aucun différend ne les ait séparés.

Après ce tour de table, le lieutenant, qui ne se départissait jamais de la confiance illimitée qu’il mettait en sa prescience, pointa le doigt en direction de Bernard, le frère de Sylvaine et, l’accusant de meurtre, le fit arrêter par ses hommes.

Pendant tout ce temps, le valet du lieutenant, arrivé par ses propres moyens au château, faisait sa propre enquête en douce, passant par les communs et les cuisines et faisant parler le petit personnel. Il fit irruption au moment de la mise en accusation du frère de l’épousée et pria le lieutenant de le relâcher. « Que faites-vous ici, Hoptorner Tigedebotte ? » s’écria le lieutenant. « Tout d’abord, je me présente à l’honorable assistance, si vous le permettez. Je suis Hoptorner Tigedebotte, assistant de monsieur le Lieutenant de Police du Roi. Mon honorable maître, avec sa prescience habituelle, a découvert le mobile de cet horrible crime par sa seule intuition perçante. Mais je lui amène des éléments qu’il ne pouvait connaître et que je vais porter à votre connaissance aussi. Je m’explique : dans cette affaire, le meurtrier doit nécessairement être un des convives ici présent. Car au cas où, ne faisant pas partie des invités, il aurait été derrière la tenture avant les convives, comment aurait-il fait pour s’esquiver une fois son forfait accompli ? Il lui fallait repasser la tenture et ensuite descendre l’escalier. Or personne n’est redescendu. Le criminel est donc bien parmi vous. Mais qui pouvait, s’étant faufilé une première fois derrière la tenture, repasser une autre fois sans se faire remarquer ? Et ici, je vous pose à tous la question : quelqu’un a-t-il vu, juste après la chute du baron, une personne sortir de sous la tenture ? Je vois que non, vous n’avez remarqué personne et pour cause ! Car le meurtrier était toujours derrière cette tenture et ne s’est dévoilé que lorsqu’elle a été tirée. Et là, il a fait semblant de s’affairer autour du corps du baron… Vous n’avez vu personne car qui de vous, qui êtes habillés de couleurs chamarrées, aurait pu se dissimuler dans la doublure de tissu grossier, de couleur brune, qui est à l’arrière de la tenture ? Ni vous ni monsieur l’abbé mais la seule personne capable de se fondre dans la couleur brune avec sa toile de bure. Et la seule parmi vous qui ait réussi à disparaître une fois de plus, à savoir le frère, ou prétendu tel, qui a échappé à nos regards mais pas aux soldats en faction à l’extérieur. C’est lui le meurtrier qui a pu se cacher dans les replis de jute brune du rideau ! »

On voit par-là que l’habit ne fait pas le moine.


jeudi 21 octobre 2021

Dernier tableau (47)

 – Oh non, pas vraiment, j’ai juste eu l’occasion de donner un coup de main à monsieur André, son factotum. Je dois dire que, ce faisant, j’ai eu l’honneur et le plaisir de participer à l’accrochage du magnifique tableau dont Madame Le Blévec a fait l’acquisition. Mais pour autant je ne suis pas un familier de monsieur Marondeau.

– Sacré personnage, il m’énerve, mais d’une certaine manière, je l’aime bien, je ne sais pas pourquoi. Ou plutôt si, je sais pourquoi. C’est un homme de caractère et un homme de goût, nous nous ressemblons trop pour nous entendre, mais nous nous estimons. Enfin, moi, j’ai de l’estime pour lui. Mais c’est une vraie tête de mule. Si vous avez l’occasion de parler avec lui, essayez donc de savoir s’il a toujours un petit tableau d’Artur Leyden, un petit paysage, une petite ferme…

– Je ne sais pas si j’en aurai l’occasion. Vous voudriez l’acheter ?

– Non, J’aurais aimé qu’il en fasse don au musée de St-Lambaire, pour les collections du musée. C’est une pièce rare, le seul paysage que Leyden aurait peint. Mais, comme je l’ai dit, Monsieur est une tête de mule. Il exige que ce tableau soit en bonne place dans le musée, exposé en permanence. Vous pensez bien qu’on ne peut pas décrocher une toile des cimaises comme cela. On rentre un tableau dans les collections puis, un jour, lorsqu’une place se dégage, on peut espérer l’exposer. C’est une question de temps…

– Il l’a peut-être vendu, il a bien vendu une marine à Madame Le Blévec !

– Oui, mais il est étrangement attaché à ce petit tableau, je n’arrive pas à croire qu’il ait pu le vendre…

– Enfin, si j’en ai l’occasion, j’essayerai de voir si je peux en parler. Mais, si je peux me permettre, je crois que vous êtes bien trop jeune pour avoir connu votre… oncle, votre cousin… Artur Leyden…

– En effet, mais ma mère le connaissait. Ils étaient cousins. Ils se voyaient peu mais son décès l’a profondément affectée.

– Il paraît qu’il est décédé dans des circonstances assez mystérieuses, non élucidées…

– C’est vrai et finalement, en jetant un voile pudique sur cette mort, on a fait planer encore plus encore de soupçons sur sa mémoire. Enfin, aujourd’hui, pour bien des gens, c’est oublié. Si ma mère avait pu, si elle avait vécu plus longtemps et surtout si mon père l’avait soutenue, elle aurait cherché à faire réhabiliter son cousin. J’ai bien essayé de reprendre le flambeau, mais on m’a fait comprendre qu’il valait mieux valoriser l’œuvre plutôt que réhabiliter l’homme.

– On vous a fait comprendre… ?

– Vous savez, dit-elle en souriant largement, j’ai beaucoup de gueule, comme on dit chez nous en Gascogne, je sais me battre contre des moulins à vent, mais on ne peut pas passer sa vie à ramer à contre-courant. Surtout toute seule. Aujourd’hui, je suis mariée, j’ai des enfants, j’ai une vie de famille, je ne pars plus en guerre contre vents et marées. Il y a cet ancien conservateur du musée qui a écrit une monographie sur Artur et qui aurait voulu aborder le sujet de cette mort accidentelle. Je n’avais pas assez d’éléments pour l’aider à ce sujet. Il n’a retrouvé aucun témoin de cette époque, aucun en tout cas qui ait voulu s’exprimer à ce sujet. L’enquête elle-même a été vite bouclée et les journaux n’en ont pratiquement pas parlé.

– Je ne voudrais pas être indiscret, mais quand vous dites « on m’a fait comprendre », peut-on savoir qui est cet on ?

– Je me suis exprimée un peu rapidement, répondit-elle assez vite, je ne pensais à personne en particulier, je crois que c’est mon ressenti plus que quelque chose qui aurait été exprimé…

 

Hervé sentit une gêne dans les propos d’Antonia, ce qui ne pouvait que le surprendre étant donné la réputation de celle-ci. Elle reprit néanmoins.

 

– Si cela vous intéresse, je pourrais vous faire passer ce que j’ai comme documents en ma possession, je veux dire : le dossier que j’ai transmis au conservateur. Vous avez une adresse mail ?

– Oui, je vais l’inscrire sur un bout de papier, un instant, répond Hervé.

– Vous savez, cette affaire est ancienne, il y a peu de chance de savoir un jour ce qui s’est passé en haut de cette falaise, mais cela me laisse un goût de cendre et c’est pour cette raison que je ne peux pas m’empêcher d’en parler. Je vous enverrai un mail et de votre côté, si vous apprenez quelque chose, tenez-moi au courant. J’ai une réelle affection pour Artur Leyden, cela peut paraître bizarre, mais c’est comme cela. Étant plus jeune, j’aurais remué ciel et terre pour lui. Aujourd’hui, les choses ont changé mais il y a toujours quelque chose qui s’allume en moi quand on parle de lui. Merci, dit-elle en prenant le papier que lui tend Hervé, je vous promets de vous envoyer ce que j’ai. J’ai l’impression que cela vous intéresse, qui sait ? Je vous passe le témoin…

(à suivre...)

dimanche 17 octobre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (5)Jacquou de Montauban

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Vous avez sûrement entendu parler de Jacquou de Montauban. Il était encore bien jeune, tout juste dix-huit ans en 39, lorsqu’un jour en se promenant dans la ville, il découvrit une petite rue, presque une ruelle, au bout de laquelle il vit un petit magasin, une échoppe de cordonnier. Il pensa à ses chaussures, bien fatiguées de la semelle, et qui pourraient peut-être retrouver une nouvelle vie si un cordonnier s’en occupait.

Il entra et vit au fond d’une boutique poussiéreuse un homme très âgé qui lui demanda ce qu’il désirait.

- Pouvez-vous m’arranger mes chaussures, demanda Jacquou.

- Oh oui, ces chaussures sont encore bonnes et je peux vous les ressemeler, répondit l’artisan.

Sans hésiter, Jacquou quitta ses chaussures et les confia au cordonnier.

- Elles seront prêtes jeudi, lui déclara le vieil homme.

Tout heureux, Jacquou repartit pieds nus à travers Montauban et rentra chez lui.

Mais on était à la veille de la guerre. Le mercredi, Jacquou fut mobilisé d’urgence et envoyé sur la ligne Maginot. Ce fut la drôle de guerre, on n’entendit point tonner les canons et les soldats attendaient impatiemment d’aller pendre leur linge sur la ligne Siegfried. Bien que cela durât quelques dix mois, Jacquou ne put obtenir aucune permission qui lui aurait permis de revenir dans sa bonne ville de Montauban. Puis, vint l’invasion de la Belgique qui permit aux attaquants de prendre à revers les troupes françaises. Un bon nombre de celles-ci reculèrent rapidement mais la compagnie de Jacquou fut submergée par l’attaque ennemie et Jacquou fut fait prisonnier.

Voilà notre Jacquou envoyé dans un stalag pendant plusieurs mois puis il fut envoyé travailler dans une ferme allemande. En effet, la fermière avait besoin de bras pour les travaux de la ferme, son mari ayant été mobilisé et envoyé en Italie puis sur le front de l’Est. Une année passa, Jacquou s’habituait fort bien aux travaux des champs qu’il avait connus chez ses grands-parents. Sa patronne l’appréciait et il avait de bonnes relations avec le voisinage.

Puis on apprit que le mari de la fermière était mort dans un bombardement. On porta bien le deuil mais ce pauvre homme fut bien vite oublié. Car une idylle s’était nouée entre Jacquou et sa patronne et, à la fin de la guerre, il avaient déjà deux enfants.

Jacquou et Heidi, la fermière, vivaient heureux, loin des soucis de la ville, avec leur famille. La ferme prospérait gentiment et ils étaient plus amoureux encore qu’aux premiers jours, maintenant que la paix était revenue et qu’ils vivaient leur amour librement. Jacquou en avait oublié son pays natal, il avait appris le décès de ses parents et sa famille était ici à présent.

Toutefois au bout de dix ans, Heidi crut déceler des moments de nostalgie chez son Jacquou. Elle pensait que cela lui ferait du bien d’aller revoir le pays. Il en reviendrait certainement ragaillardi, il aurait retrouvé ses racines et il aurait changé d’air. Il n’en reviendrait que mieux et, si cela était possible, plus amoureux. Elle persuada Jacquou de prendre le train et d’aller revoir Montauban. Il hésita, tergiversa puis se décida.

Il fut content de voyager, le train, les gares, les paysages lui semblaient beaux mais pas tant que sa ferme et sa famille. Ce lui fut une joie d’arriver à la gare de Ville Bourbon puis de monter à pied vers la ville en traversant le Tarn par le pont de Sapiac. Il ne reconnaît plus trop la ville, des choses avaient changé, ses souvenirs s’étaient effacés. Il déambulait lorsqu’il aperçut la ruelle, oui la ruelle où, juste avant la guerre, il avait déposé ses chaussures. Amusé, il regarda et vit, un peu plus loin, l’échoppe de ce cordonnier. La vitrine était encore plus vieillotte, la poussière régnait plus qu’avant.

Il poussa la porte et scruta : au fond, le cordonnier était encore là, encore plus vieux mais alerte.

- Bonjour Monsieur, dit Jacquou. Vous vous souvenez de moi ? Avant la guerre, en 39, je vous avais porté une paire de chaussures…

- Mais oui, vous avez raison et je m’en souviens. Attendez un instant, je vais voir.

Le cordonnier ouvre une porte au fond de l’atelier et descend à la cave. Jacquou l’entend farfouiller puis le cordonnier s’écrie :

- Oui, c’est bien cela, ce sont vos chaussures ! Elles seront prêtes jeudi !

On voit par-là qu’il n’est jamais trop tard.


jeudi 14 octobre 2021

Dernier tableau (46)

 Hervé sourit en pensant qu’Artur n’était pas l’aïeul d’Antonia. Le maire, visiblement soulagé, demande à la petite Adeline de tirer sur le cordon qui permettra de dévoiler la plaque et la petite, guidée par Mme Le Blévec, fait le geste qui permet à l’assemblée de voir une plaque dorée indiquant qu’Artur Leyden était né et avait vécu en ces lieux.

 

– Et maintenant, mesdames, messieurs, vous êtes cordialement invités à un apéritif d’honneur ! annonce M. Le Blévec en montrant les tables chargées de verres, de bouteilles et de gâteaux salés.

 

Tout le monde se dirige vers les tables, Hervé reste toujours un peu en recul et il remarque sur le côté droit un couple qu’il n’avait pas vu auparavant : Sara est là, pimpante dans un tailleur mode, accompagnée d’un vieux beau (c’est ce que pense Hervé) habillé chic et fric. Hervé se sent se liquéfier et cherche dans quelle direction il pourrait bien s’échapper quand Sara l’aperçoit et lui fait un grand signe. Elle s’approche de lui, entraînant son milord dans son sillage.

 

– Renato, je te présente Hervé. Je l’ai connu par Édith. Il est venu voir mes peintures hier, il faut absolument que vous fassiez connaissance. Hervé, je vous présente Renato.

– Enchanté, dit Hervé en tendant la main au nommé Renato qui en échange lui tend trois doigts mous.

– Renato est en quelque sorte mon mécène, dit Sara avec affectation.

– C’est oun bien grand mot, intervient celui-ci distraitement tout en regardant autour de lui. Je préfèrerais que tu dises « mon agent ».

 

Il parle avec une sorte d’accent légèrement italien, mais à peine, comme un italien qui pratiquerait le français depuis longtemps.

 

– Mon agent, voilà, Renato est mon agent. Et c’est lui qui est venu me sortir du lit ce matin en me disant qu’il y avait cette inauguration à Saint-Lambaire. Il prétend que ce genre d’évènement est incontournable pour une peintre…

– Bien sour, pour oune artiste, oune vraie artiste, si on veut se faire connaître, il faut se montrer dans les évènements artistiques.

– Et il ne désire pas m’aider à organiser une expo à Paris. Je dois faire les inaugurations de province, mais exposer à Paris, cela ne vaut pas le coup.

– Je n’ai pas dit céla, mais ici, cela ne coûte rien et tu peux rencontrer des gens…

– Bien, alors présente-moi à tout ce beau monde. Ou alors vous, Hervé, qui commencez à connaître la ville, connaissez-vous le maire, le député ?

– Nullement, nullement, répond-il avec empressement. Je suis venu ici un peu par hasard, j’ai acheté le journal ce matin…

– Et vous vous êtes dit que vous alliez marcher dans les pas d’Artur Leyden, vous qui…

 

A ce moment, Sara voit le regard appuyé que lui envoie Hervé et elle ne termine pas sa phrase, comprenant sans doute que ce dernier souhaite éviter ce sujet. Renato la prend par le bras et l’entraîne vers les officiels groupés près des apéritifs. Avec beaucoup d’entregent et d’aplomb, il aborde le député et le maire en leur présentant Sara, artiste-peintre bien connue des milieux parisiens et qui est venue s’installer dans votre belle cité et qui, souvenez-vous, avait exposé ici à St-Lambaire et qui dévoile en permanence ses œuvres chez elle dont certaines sont présentées dans une galerie à…etc.

Hervé les regarde d’un œil mitigé et suspicieux : ce type serait-il l’amant de madame ? Elle l’a traité de mécène : Sara vivrait-elle aux crochets de ce bellâtre ? Sans réponse valable à ces questions, il s’approche du bout d’une table, se laisse verser une rasade de whisky et avale quelques petits fours fort opportuns. Il est alors abordé par Antonia qui s’est faufilée jusqu’à lui.

 

– Bonjour Monsieur, vous vous intéressez à Artur Leyden ?

– Bonjour Madame, répond Hervé tout surpris. Bonjour Mademoiselle, dit-il en se penchant vers Adeline qui a suivi sa mère, bonjour jeune homme, dit-il en se penchant vers Victor qui arrive.

– Madame Le Blévec m’a soufflé à l’oreille que vous connaissez bien monsieur Marondeau…

(à suivre...)

dimanche 10 octobre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (4) Agen sur Garonne

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Le deux octobre dernier a eu lieu le Gala du Jasmin d’Argent, ce gala fêtait le centième anniversaire de cette joute poétique qui prend en compte tant les poètes écrivant en français que ceux qui le font en occitan. En outre, des prix « Jeunes » ont aussi été décernés cette année.

 Le Jasmin d’Argent a ainsi été fondé en 1921 par Jacques Amblard et j’ai eu l’occasion de citer précédemment deux poètes qui furent lauréats, Sabine Sicaud et Armand Chanuc. Au cours de ce Gala ont été dévoilés les palmarès de 2020 et 2021, le premier n’ayant pu avoir leu publiquement pour cause de mesures dites sanitaires. La séance s’est tenue au Théatre Ducourneau en deux parties : remise des prix 2020 le matin et 2021 l’après-midi. Au moment de midi, organisateurs et lauréats ont été invités à un cocktail déjeunatoire à l’ancien hôpital Saint-Jacques devenu Hôtel du Département. Cette expression « déjeunatoire » me paraît peu élégante mais, moi qui étais de la partie, je peux vous dire néanmoins que la nourriture fut bonne. Et le buffet était accessible, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque des élus affamés font le mur devant les nourritures terrestres. En ceci, les poètes ont probablement plus d’élégance que leurs représentants politiques… 

Je vous ai dit que j’étais de la partie, ce n’est pas en tant qu’organisateur mais comme candidat et j’ai le plaisir de vous annoncer que deux de mes poèmes ont été primés, un au titre de 2020 et l’autre pour 2021. Je les ai ainsi déclamés, quand ce fut mon tour, sur la scène du théâtre d’Agen. Je ne résisterai donc pas au désir de vous les déclamer dans cette chronique, un maintenant et un autre dans quelques semaines. Je vous réciterai maintenant le plus court, intitulé « Agen sur Garonne », il a reçu le prix de la Ville d’Agen.  

Agen sur Garonne

Entre Garenne et ermitage

Garonne coule sur Agen,

Sa rive sent le sauvagin

Qui règne sans aucun partage.

 

De la Bonne Encontre au Passage,

La passerelle et le canal

Luisent au soleil matinal ;

La perle du midi est sage.


Beauregard, dessous le barrage,

Garonne coule en scintillant

Où les aloses vont frayant

Et le sandre cherche l’ombrage.

 

Parfois tu pars à l’abordage,

Tes flux venus de l’Aneto,

D’un aigat en ostinato,

Montent au Gravier avec rage.


Aussi, à tes moments d’étiage,

Emergent tes petits ilots ;

J’y vis, se reposant des flots,

Un phoque lustrant son bronzage.


Agen au bord de ton rivage,

Gemme célébrée par Jasmin,

Je m’incline en un baisemain

Pour te présenter mon hommage.



jeudi 7 octobre 2021

Dernier tableau (45)

 – Monsieur le député, Madame Secondat, chers administrés, je tiens tout d’abord à remercier Madame Secondat d’honorer cette cérémonie de sa présence. Madame Secondat est venue de Romorantin-Lanthenay avec ses deux enfants. Ce sont les derniers descendants de la famille Leyden et Madame Secondat est l’exécutrice testamentaire du peintre. Je vais donc parler ici sous son bienveillant contrôle car je vais tenter de retracer la carrière de notre compatriote Artur Leyden. Artur Leyden est né dans cette maison en 1915 et, après avoir suivi des études au collège Saint-Servais, il est parti à Paris étudier la peinture à l’École des Beaux-arts. Très vite, il collectionnera les récompenses et les prix, mais il vint toujours chercher son inspiration sur la côte d’Armor, sur notre côte bretonne. Lorsque sa réputation fut confirmée, il revint à Saint-Lambaire où il continua sa brillante carrière. Bon nombre de ses peintures ont intégré nos plus grands musées, au Louvre en particulier on peut admirer une splendide marine datant de 1947. Notre propre musée, ici à Saint-Lambaire, n’est, comme il se doit, pas en reste et possède une douzaine de ses tableaux. Nous sommes attentifs à ne pas laisser partir n’importe où des œuvres qui font partie de notre patrimoine commun et nous avons demandé aux conservateurs successifs de tout mettre en œuvre pour cela. J’ajouterai, et ceci à titre personnel, que je suis fier de posséder un tableau d’Artur Leyden. C’est presqu’un scoop car c’est une acquisition toute récente qui a été faite par mon épouse qui est ici à mes côtés et que je remercie d’avoir eu l’intelligence et le bon goût de choisir cette splendide marine. Il va sans dire que nous prêterons cette toile pour toute exposition consacrée à ce grand peintre. Je crois pouvoir dire qu’une rétrospective aura lieu dans les années qui viennent, néanmoins cela ne dépend pas de moi. Pour continuer, je dirai que la silhouette d’Artur Leyden était bien familière aux Lambairiens qui le voyaient régulièrement sur les remparts avec son carnet de croquis. Artur Leyden est décédé trop jeune, bien sûr, mais son œuvre avait atteint une maturité étonnante. Il était nécessaire que la ville de Saint-Lambaire lui rende hommage en apposant une plaque commémorative sur sa maison natale. Je remercie aussi la municipalité de Saint-Bélié et Monsieur Lepetiot, d’avoir donné le nom d’Artur Leyden à une de ses rues. Et maintenant, je vais me tourner vers Madame Secondat qui voudra peut-être ajouter quelque chose à mon bref rappel de la vie d’Artur Leyden. Madame…

– Monsieur le Maire, Monsieur le Député, mesdames, messieurs, commença Antonia d’une forte voix, je voudrais juste ajouter une ou deux petites choses…

 

Comme tout ceux qui annoncent qu’ils n’ont pas grand-chose à dire et comme tout ceux qui disent qu’ils seront brefs, Antonia Secondat, née Viquerosse, se lance dans un discours qui, pour n’avoir à ses dires pas été préparé, n’en est pas moins long. Elle retrace en fait la carrière posthume de l’œuvre du peintre, les expositions, les rétrospectives et les conférences ayant concerné l’œuvre d’Artur Leyden. Mais c’est surtout la fin de son intervention qui frappe l’esprit d’Hervé.

 

– Et je voudrais, pour conclure, dire que beaucoup de choses ont été faites pour que l’œuvre d’Artur Leyden soit connue. Toutefois, je voudrais rendre hommage à Monsieur Estrade, ancien conservateur du musée de Saint-Lambaire. Monsieur Estrade, du temps où il était conservateur, a fait beaucoup pour les peintures d’Artur Leyden. Il est aujourd’hui à la retraite, mais il continue à œuvrer en ce sens. Il a publié une monographie sur Artur Leyden et je crois pouvoir dire que c’est un travail d’une rare qualité. Il a étudié un grand nombre de ses toiles, et ici je dirai que tout le monde n’a pas la hauteur de vue et la générosité de M. et Mme Le Blévec. Il y a des collectionneurs, si je peux les appeler ainsi, dit-elle avec une moue, qui ne sont pas prêts à partager la joie de contempler les toiles qu’ils possèdent dans leurs sombres arrière-boutiques et qui veulent garder pour eux ce plaisir. Mais je ne voudrais pas gâcher cette belle inauguration par de telles considérations. Je terminerai donc en disant que M. Le Blévec a bien raison de parler d’une mort prématurée car, comme l’écrit M. Estrade, Artur nous aurait surpris s’il avait vécu plus longtemps, son œuvre aurait pu prendre un tournant et trouver d’autres horizons, d’autres sujets, qui sait ? Pour en terminer donc, je voudrais remercier Monsieur le Maire de Saint-Lambaire et Monsieur le Maire de Saint-Bélié de faire ainsi vivre le souvenir de mon célèbre aïeul.

 (à suivre...)

dimanche 3 octobre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (3) Jeannot de Baraque

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vais vous conter maintenant l’histoire de Jeannot de Baraque, une histoire d’antan. A cette époque-là, on attachait peu d’importance au noms de famille, chacune et chacun était familièrement appelé par son prénom. Le prénom était généralement donné d’après les noms des saints du calendrier et en rapport avec la généalogie proche. Ensuite, pour préciser, on faisait fi du nom de famille pour préférer le nom du lieu auquel la personne était attachée. Dans le cas de Jeannot de Baraque, ce nom de lieu était celui de la masure qui avait été construite par son père, enfant surnuméraire d’une famille de métayers pauvres du Colbois. Le père de Jeannot avait épousé la fille de journaliers aussi misérables que lui et ils s’en étaient allés rechercher du travail dans la plaine. Du travail, il n’en manquait pas mais le plus souvent payé d’une maigre pitance et d’un abri précaire. Or, Jeannette devenue enceinte, allaient-ils accueillir un enfant dans d’aussi sordides conditions ?

Les parents de Jeannot quittèrent donc la plaine pour s’en aller dans les bois chercher du travail auprès des charbonniers, ceux qui fabriquaient le charbon de bois, un travail dur mais plus rémunérateur. Ils commencèrent en logeant dans une cabane en bois délabrée qui était abandonnée par son occupant précédent.

Malgré de longues journées de travail, les parents réussirent à aménager cette cahute et à débuter la construction d’une maisonnette en pierre que les habitants de la forêt appelèrent baraque. D’où le nom attribué aux parents et au petit qui naquit dans ce nid construit pour l’accueillir.

Ils vécurent ainsi pendant une quinzaine d’années, Jeannot apprenait le métier et ils se sentaient heureux, riches de légères économies, quand brutalement le père mourut. Jeannot et sa mère continuèrent du mieux qu’ils le pouvaient. Il devenait un rude gaillard. Toutefois, depuis quelques années, le charbon de bois se vendait moins, on gagnait peu. Mais Jeannot, tout comme ses parents, ne gardait pas ses deux pieds dans le même sabot et il eut l’idée d’acheter une coupe de bois qui avait été mise à prix et dont personne n’avait voulu. L’affaire était intéressante mais, pour payer la coupe, il avait utilisé, outre leurs économies, de l’argent emprunté à l’apothicaire d’un bourg voisin. De son père, il avait hérité d’une belle cognée qu’il savait aiguiser comme savent le faire les gens de la forêt. Et le travail avançait gaillardement, il estimait avoir déjà coupé de quoi rembourser son prêteur.

Un matin, à peine l’aube transparaissait, une brume légère s’infiltrait entre les arbres, il arriva sur sa coupe. Et han ! A coups de hache puissants et précis, il faisait sauter de larges copeaux à la base d’un chêne. L’entaille proprement faite , l’arbre devait tomber vers un essart où il pourrait le débiter. Mais un coup de vent imprévu fit tourner légèrement le grand arbre dont une branche maîtresse se rompit et tomba sur Jeannot, lui bloquant durement une jambe. Il ne pouvait plus se dégager, inutile de crier, il n’y avait personne à plus de deux ou trois lieues. Et, dans cette position, impossible d’attraper sa cognée pour tenter de couper la moindre brindille. Inexorablement, la jambe s’engourdissait. Deux heures passèrent ainsi lorsqu’il vit surgir auprès de lui un tout petit être, comme un homme ou une sorte de génie. « Qui est-tu ? » demanda Jeannot. « Je suis le Drac, ne m’en demande pas plus, ne perds pas de temps et dis-moi : qui veux-tu que j’aille chercher ? Choisis : les pompiers, le curé ou la Fanette ? » Jeannot pensa que les pompiers étaient à dix lieues, bien trop loin ; le curé était vieux et Jeannot guère bon paroissien ; mais Fanette, frêle jeune fille, que pouvait-elle ? Il n’avait jamais osé lui avouer qu’il l’aimait, la jolie et douce Fanette, qui sait si ce n’était pas maintenant, avant de mourir peut-être ? « La Fanette ! » s’écria-t-il. Celle-ci gardait son petit troupeau non loin de là et le Drac eut vite fait de la faire venir. « Jeannot, mon diou, s’écria-t-elle, ton sang va se bloquer, tu es en grand danger ! »

Elle empoigna la grosse branche et, dans un effort terrible, la souleva permettant à Jeannot de se dégager. Elle relâcha la branche et s’écroula, perdant connaissance. « Sache, dit le Drac à Jeannot, que l’amour peut soulever des montagnes. Elle va revenir à elle, prends-en grand soin ! » Et il disparut.

On voit par-là qu’ils se marièrent et eurent quelques enfants.