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dimanche 28 décembre 2014

Chronique du temps exigu (137)


Après toutes les vicissitudes de l’année, il est bien nécessaire de reprendre son souffle pour voir arriver l’année 2015. Nous sommes, à ce que l’on dit, pendant la trêve des confiseurs. Ce qui voudrait dire que les gugusses vont calmer leurs ardeurs politiques et économiques… faisons semblant d’y croire !
La neige a couvert bien des régions de sa blanche chapka et il y a moult choses agréables à faire tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des maisons. Bien au chaud au coin du feu, que diriez-vous de déguster un petit quartier de schwarzwälder, en français un foret noire. Donc, à cet effet, je vous envoie cette photo pour stimuler votre appétit et je pense que vous saurez trouver la recette par vos propres moyens.
Ce gâteau peut être considéré comme thérapeutique, j’en ai personnellement fait l’expérience. Toutefois, le bon docteur V. en déconseille l’usage comme thérapeutique plantaire car il y a un risque de pourrissement de la chaussette. Donc à n’utiliser que par voie orale, inutile de s’en servir pour entarter des idiots officiels, cela serait gâcher de la bonne nourriture.
Je vous propose donc de bien achever l’année en cours, pour la suivante on verra plus tard.

On voit par-là que le chroniqueur-pâtissier est bien fatigué en fin d’année. 

jeudi 25 décembre 2014

Le cabot de Fortunio (25)

-          D’accord, ça me revient. Bon, mais mon chien a disparu depuis jeudi, je pensais que vous aviez des nouvelles. Le premier jour, j’ai cru qu’elle allait revenir et puis hier je me suis décidée à mettre des affichettes.
-          Ah bon, et vous n’avez pas contacté la SPA ?
-          Non, je suppose qu’elle n’est pas partie loin. Je ne vais pas ameuter toute la région pour une simple fugue… Elle a réussi à ouvrir le petit portail du jardin, j’oublie parfois de le fermer à clef…
-          Ah bé dites donc ! Vous ne vous faites pas trop de bile, depuis quatre ou cinq jours ! Et moi qui venais vous demander si vous envisagiez de la faire porter…
-          Attendez, je vais vous expliquer. Asseyez-vous. Voulez-vous boire quelque chose ?
-          Je ne suis pas venu pour cela, je veux bien m’asseoir deux minutes et si vous avez un verre d’eau…
-          Vous venez de loin ?
-          Agen, réponds-je évasivement.
-          Et, vous avez mangé ?
-          Non, non, comme je vous l’ai dit, je suis simplement vous demander…
-          Alors c’est drôle, je viens de préparer une tartiflette, il y en a au moins pour deux, sinon plus. J’allais manger, vous accepterez bien…
Là, je me marre intérieurement en pensant à Livron qui attend dans la bagnole. Et je me dis que c’est bien fait pour sa gueule. Donc, j’accepte la proposition. Et la madame ne se mouche pas du pied : avec cela elle a sorti une bouteille de Chignin-Bergeron, un authentique vin de Savoie. La tartiflette est excellente, roborative et ainsi fort bien arrosée.
-          Vous m’avez peut-être dit votre nom en arrivant mais je n’ai pas fait très attention…
-          Albert Ellefor, àpeupré-je effrontément.
-          Je vous appellerai Albert, appelez-moi Martine. Je vais vous dire franchement, Kara n’est pas vraiment à moi. C’est la chienne d’un ami à moi et je la lui garde. Personnellement, ça ne me dit rien d’avoir un chien, à plus forte raison une chienne qui va faire des petits, des petits qu’il va falloir vacciner, inscrire au Lof et que sais-je ? Pendant un ou deux mois, j’ai trouvé cela amusant et puis après, ça a commencé à me peser. Un chien, il faut s’en occuper, vous savez…
-          Alors, votre ami va la reprendre ?
-          Mon ami est aux abonnés absents depuis trois semaines et je me demande bien ce qu’il fabrique. Resservez-vous si cela vous tente, vous voyez que j’en ai fait pour un régiment…
Je me ressers de tartiflette, elle me fait le plein du verre et je reprends :
-          Donc, quand votre ami réapparaîtra, il reprendra son chien ?
-          Mouais, faudrait-il qu’il réapparaisse…
-          Que voulez-vous dire par-là ?

-          Rien, rien. Alain voulait que je devienne sa maîtresse, il m’a fait plein de cadeaux. Je ne lui demandais rien mais il a bien fini par comprendre que je ne coucherais jamais avec lui. C’est peut-être une simple question de morale pratique de ma part, dit-elle en souriant. Alain est marié et je ne donne pas dans l’adultère. Et puis, franchement, je l’aime bien, c’est vraiment un ami formidable mais je ne suis pas amoureuse de lui. Et tous ces cadeaux, ça commence à m’agacer sérieusement. Pour Kara, je n’ai pas osé refuser, il m’a fallu aller la chercher là-bas et faire semblant de trouver cela super. Voilà ! Alors, ce que vous pourriez faire, c’est d’appeler chez lui, pour savoir. Moi, je ne peux appeler que sur son portable mais sa messagerie est pleine. Et si j’appelle chez lui, je vais avoir sa femme. Si c’est un homme qui appelle pour le demander, c’est pas pareil, vous comprenez ?
(à suivre...)

dimanche 21 décembre 2014

Chronique du temps exigu (136)

L’ouverture des commerces douze dimanches par an va-t-elle révolutionner l’économie française ? D’aucuns semblent le penser et cette belle idée que le gouvernement de gauche a piquée à la droite fait débat tant dans l’hémicycle que dans les médias.

Le repos dominical est un des fleurons de la tradition chrétienne où le dimanche est connu pour être le jour du Seigneur. Dans d’autres traditions, ce sont le vendredi ou le samedi qui sont censés assurer ce repos dit dominical. Bien sûr, selon cette première, le créateur du monde aurait travaillé pendant six jours et aurait ensuite décidé de prendre un repos bien mérité[1]. A cette époque, il lui était loisible d’en décider seul car il agissait à son compte  sans devoir se plier aux célèbres contraintes du Code du Travail.
Foin de ces considérations cultuelles et historiques, penchons-nous sur les perspectives économiques d’une telle mesure. En effet, je pose la question : qui travaillera le dimanche et qui dépensera le dimanche ? Si ceux qui travaillent le dimanche sont ceux qui, de toute façon, auraient déjà fait du travail plus ou moins dissimulé le même jour, il n’y aura nul bénéfice hormis quelques maigres picaillons dans l’escarcelle du percepteur. Et si ceux qui dépensent le dimanche sont ceux qui, quoiqu’il en soit, auraient dépensé la semaine largement plus que ce qu’ils achèteront le dimanche, où va-t-on ? Je sais bien qu’il y aura quelques politiciens qui iront serrer quelques mains dans les magasins ouverts mais cela sera sans incidence économique réelle. Et si ceux qui travaillent le dimanche ou, à l’inverse, font leurs courses sont ceux qui auraient regardé « Vivement dimanche » ou le sport à la télévision, la perte sera sèche en termes d’audience comme en capacité cognitive pour la Nation tout entière !
Donc, il faudra rigoureusement sélectionner tant les travailleurs que les acheteurs du dimanche : point de travailleurs au noir, point de paniers percés et moins encore de politiciens. Pour travailler ce jour-là, uniquement des feignants qui ne travaillent déjà pas la semaine (il en reste…) ou des anti-calotins enragés heureux de faire une cynique nique laïque aux calotiniques. Et pour dépenser ce jour-là, seulement des distraits qui ont oubliés de dépenser suffisamment la semaine.
On voit par-là que l’économie est l’affaire de tous.




[1] D’aucuns, à l’instar d’Ambrose Bierce, prétendent qu’après avoir créé le monde en six jours, il fut arrêté le septième pour agissements suspects. Nous nous tiendrons néanmoins à la version officielle.

jeudi 18 décembre 2014

Le cabot de Fortunio (24)

Résigné, il sort son portable et appelle sa femme. Et il a de la chance, il tombe sur son répondeur et lui débite un mensonge gros comme une maison.
-          Une vraie histoire à dormir debout ! Elle sera pas couchée ta gonzesse quand tu arriveras chez toi.
-          Je finirai bien par lui dire la vérité. Mais là je suis pris de court !
Nous roulons en silence jusqu’à Rochechouart. Livron réattaque :
-          Ecoute, Albert, je crois vraiment que c’est toi qui devrais aller lui parler.
-          Ah non ! Tu vas pas te dégonfler maintenant. C’est ton idée, c’est toi qui y vas !
-          Je sais, je sais, mais je te garantis, il vaut mieux que ça soit toi, avec moi elle va se méfier…
-          Et si moi je débarque comme un martien, tu crois qu’elle va pas se méfier ?
-          Ecoute, Fortunio, je vais te dire une chose, tu as une bonne tête et avec la tête que tu as-tu pourrais annoncer la fin du monde à qui tu veux, il serait heureux de l’apprendre et il te dirait merci. Tu vas voir cette femme, je suis sûr qu’elle te parlera…
-          Livron, tu serais pas un pourri, toi, quelque part ? Eh bien, on va voir, je vais aller la voir cette gonzesse et si j’en sors rien, tu vas en entendre parler. Et pendant un bon bout de temps en plus…
-          Bon, on est d’accord. Donc tu vas la voir et tu lui dis que tu as eu son adresse et son nom par Sadilon et que tu voudrais savoir si elle compte faire porter sa chienne auquel cas tu voudrais réserver un petit, une femelle par exemple. Pour l’adresse, tu diras que c’est Robico qui l’avait donnée à Sadilon et que tu es venu directement chez elle, sachant que c’est elle qui a le chien.
-          Un peu mince comme entrée en matière… et quand elle va me dire qu’elle n’a plus le chien ?
-          C’est là que ça deviendra intéressant, tu verras bien, je suis sûr que tu sauras y faire !
Il fait encore clair quand nous arrivons à Verneuil mais nous avons un peu de mal à trouver la maison de Martine Grebier. C’est effectivement une jolie maison en front de rue avec un vaste jardin sur l’arrière et sur les côtés. Je gare ma fourgonnette dans la rue principale, je laisse Flèche aux bons soins de Livron et me propulse vers la maison Grebier où je sonne. Je ne sais pas si j’ai l’air stressé lorsque Martine Grebier m’ouvre la porte mais elle éclate de rire en me voyant. Je m’attendais à voir une poule de luxe ou une dame hautaine et c’est une petite brunette qui fait très jeune, peut-être moins que son âge véritable.  Je pense à ce que m’a dit Livron et je lui dis que je viens de chez Sadilon et que j’aimerais lui parler de sa chienne. Là, elle fait aussitôt la tronche mais elle me propose d’entrer. Ce que je fais. Elle me fait signe de passer dans une cuisine arrangée à l’américaine. La table est mise et je vois que j’interromps son repas. Il flotte un parfum de bonne cuisine.
-          Qu’est-ce qui vous amène ici ? Je n’ai plus de chien ! me dit-elle.
-          Ah, Monsieur Sadilon m’a dit que vous…
-          C’est qui, monsieur Sadilon ? L’éleveur du Tarn ?

-          Mais oui, vous êtes allée chercher votre chienne Kara chez lui, dis-je.
(à suivre...)

dimanche 14 décembre 2014

Chronique du temps exigu (135)

Les vieilles amitiés s’improvisent, disait Georges Courteline. Et c’est bien ce qui nous arriva.
Tombé avec une échelle en posant une citrouille sur son toit, Iannis Psittakis ne dut son salut qu’à mon intervention efficace. On lui avait bien dit : si tu montes sur une échelle, tiens-toi bien ! Il se tenait donc à son échelle mais c’est celle-ci qui négligea de se bien tenir et ils tombèrent ensemble sur le sol. Dans la chute, le malheureux Iannis se prit la tête entre deux barreaux et il ne put s’en dégager une fois arrivé au sol, quelque peu contusionné. Il eut beau appeler à l’aide, nul ne l’entendit. Moi-même, je déambulais au guidon de ma cyclomotorette sur la côte Est de l’île de Guacamole lorsque mon moteur s’arrêta sans crier gare. Et c’est à ce moment-là que je perçus les cris de Iannis qui avait réussi à se servir d’un barreau de son échelle en guise de porte-voix (les échelles en aluminium ont des barreaux creux qui portent fort bien le son). Je me précipitai donc au secours de celui avec qui j’allais improviser une vieille amitié de ô combien d’années à venir. Tel le grand Zampano[1] brisant la chaîne de sa poitrine, j’écartai, à biceps-que-veux-tu, deux barreaux de l’échelle, libérant ainsi notre homme. Ce dernier me remercia chaudement, ce qui me permit de remettre en place les deux barreaux tordus. Iannis me raconta alors qu’il était à la recherche d’une voie professionnelle car le métier de poseur-de-citrouille-sur-son toit n’est guère rémunérateur et, comme on l’a vu, il est dangereux.
C’est là que notre rencontre fut déterminante pour lui car je fis observer qu’il avait une voie qui était sa voix de ténor du barreau (d’échelle, certes…). Vous avez bien reconnu en cela mon esprit d’à-propos, lui aussi d’ailleurs car malgré qu’il marchât en travers il se tourna sans hésiter vers des études de droit. Après quoi il s’inscrivit comme avocat au barreau de Guacamole dont il est même à ce jour le bâtonnier, ayant succédé au regretté avocat Mayonez.
Après cette aventure, je rejoignis le continent à marée basse car, comme vous le savez, Guacamole est une île à marée haute et une presqu’île à marée basse : on peut donc la rejoindre en cyclomotorette à pneu sec pour peu qu’on prenne le temps d’attendre le reflux.



[1] Dans « La strada » de Fellini, bien sûr !

jeudi 11 décembre 2014

Le cabot de Fortunio (23)

Cette fois, nous prenons effectivement le départ.
-          Ce mec ne me plaît pas, avec ses grands airs, dit Livron dans la voiture. Il a semblé déstabilisé quand tu lui as dit le nom de la chienne… tu as bien fait de ne pas lui dire que tu connaissais le nom du propriétaire supposé puisque maintenant nous savons pourquoi Madame Robico a répondu qu’ils n’avaient pas de chien.
-          En tout cas, il était prêt à la racheter pour une croûte de pain, si je peux dire… Tu sais, Livron, ça me fait un peu chier d’avoir un copain flic.
-          Quelque part, Fortunio, ça me rassure…
-          Ah bon, ça te rassure ?
-          Tu m’aurais dit : Livron, je t’aime, tu m’aurais fait peur. Un bon point. Tu m’aurais dit : Livron, j’aime les flics, j’aurais eu peur pour ta santé mentale. Deuxième bon point.
-          T’es sans doute pas un flic comme les autres…
-          Si. Mais moi je sais que je suis un flic comme les autres, j’ai conscience de n’être que ce que je suis.
-          Bon, admettons. Mais où en sommes-nous maintenant ? En résumé, on fait quoi à partir de ce petit peu qu’on a appris ?
-          Oui, résumons : Robico est l’ancien propriétaire d’une bagnole retrouvée en confettis sur la route des Copiaudes. Il l’a vendue à un soi-disant nommé Adso Demelk. On ne sait pas qui était au volant et, curieusement, en cherchant des restes humains on trouve un chien en parfait état de marche. Chien qui lui-même a été immatriculé, façon de parler, au nom de Robico. Rien ne prouve que ce chien ait été dans le véhicule mais les multiples contusions nous font penser que peut-être. Rien ne prouve que le conducteur s’en soit sorti indemne mais l’histoire de Bretonet nous font aussi penser que peut-être. Ce qu’il nous reste d’assez certain, c’est que ce chien a été acheté par Robico qui l’a offert à sa maîtresse qu’il avait l’intention de quitter.
-          L’intention…
-          Oui, je sais, c’est une hypothèse, une interprétation. Traitons-la comme un indice. Car c’est notre seul fil conducteur : donc il faut aller voir la maîtresse en question puisque nous savons où elle habite.
-          Et tu vas aller lui demander : « Bonjour Madame ou Mademoiselle, auriez-vous reçu un clebs en cadeau de rupture ? »
-          Non, c’est toi qui vas y aller, sans le chien bien sûr. Et tu vas lui dire que tu cherches Robico, tu lui inventes quelque chose, que tu es éleveur de snotemachin et que tu aimerais le rencontrer par exemple…
-          Et j’ai eu le nom de Madame comment ?
-          Ah ah ! Bien sûr mais tu lui diras que tu as eu son nom par Sadilon…
-          Elle ne lui a pas laissé son nom, il nous l’a bien dit !
-          Voilà, prêcher le faux pour savoir le vrai, ça c’est du travail d’enquêteur !
-          Et c’est bien pour ça que c’est toi qui vas y aller. On fonce sur Cahors, Brive et Limoges et on est chez la dame en question avant vingt heures. Je te dépose devant chez elle et j’attends pendant que tu enquêtes avec tes gros sabots…
-          Ça nous fait rentrer à minuit, cette histoire ! Bon, tu as sans doute raison. Pourtant, je persiste à croire que tu aurais été plus convaincant. Moi, j’ai du mal à ne pas avoir l’air d’un gendarme dans le civil.
-          T’as qu’à lui dire que t’es militaire dans l’armée de l’air… pilote d’essai dans une usine de suppositoire par exemple…
-          Bon, je vais appeler mon épouse pour lui dire que je rentrerai tard. Je ne sais pas quoi trouver comme prétexte…

-          Prêche-lui le faux et dis-lui de faire l’économie du vrai. C’est ça le travail d’enquêteur !
(à suivre...)

dimanche 7 décembre 2014

Chronique du temps exigu (134)

Le trente février de cette année (chronique 101), je vous parlais de ce viticulteur qui a dû affronter l’administration, certains de ses collègues et moult autres tenants de la raison rationnalisante, raciotinante, dominante et arrogante, qui lui intimaient l’ordre d’utiliser des produits chimiques sur sa vigne cultivée en biodynamie. Le procureur avait requis contre lui une peine de clémence, à savoir mille euros d’amende dont la moitié avec sursis, ce qui voulait dire que s’il s’entêtait à ne pas obéir aux injonctions administratives il devrait payer l’amende en sa totalité ainsi que les frais de justice. Ce vigneron vient d’être relaxé, je me félicite de la clairvoyance du juge.
Réjouissons-nous donc d’apprendre que, dans notre pays il est encore possible de pratiquer une agriculture d’expérience et d’observation, une agriculture qui prend le temps de suivre la nature et qui prend le risque de ne pas polluer.
D’après certains journaux pourtant, même ce que l’on appelle la filière bio s’était désolidarisée du vigneron : cela n’est pas étonnant car un certain nombre des agriculteurs qui sont aujourd’hui en agriculture biologique étaient encore il y quelques années des tenants du tout chimique et ne sont venus à la bio que par intérêt pour un créneau qui leur semblait porteur… certains reviendront peut-être à cette agriculture chimique lorsque la vague refluera !
Il faut du courage pour se battre contre les parasites des cultures en évitant d’utiliser les produits miracles des marchands de chimie. C’est une bataille difficile, il faut observer, travailler, réfléchir et courir des risques. Ces parasites sont naturels et il y a des moyens naturels pour les combattre. Tous les paysans qui pratiquent une agriculture saine le savent. Et le pire des parasites qui les menace est bien le parasite administratif, judiciaire ou médiatique. Contre ces parasites, il n’y a que la solidarité de ceux qui aiment le travail bien fait et les aliments sains, quitte à ce que le bruit qu’ils font agace les oreilles des bourgeois et des bien-pensants.
Ayons une pensée émue pour ces pauvres fabricants de produits « phytosanitaires » qui risquent de ne plus vendre non seulement leurs traitements chimiques mais aussi les remèdes et antidotes nécessaires en cas de pollution. Car bien sûr ce sont souvent les mêmes qui produisent le remède contre le mal, puis le remède contre le remède et ainsi de suite…

On voit par-là que ma santé n’est pas le féminin de mon santôt.

jeudi 4 décembre 2014

Le cabot de Fortunio (22)

-          Un instant, messieurs, je pense tout à coup, attendez que je réfléchisse…
Livron se retourne pendant que je fais monter Flèche dans mon véhicule.
-          Tout de même, ce nom, Kara, il est possible que ce chien vienne de chez moi. Vous savez, je ne me souviens pas de tous les noms, l’année passée était une année en K et j’ai une chienne qui a eu une portée de neuf chiots, tous bien vivants. J’ai appelé les six femelles Kara, Kata, Kama, Kada, Kala et Kaba peut-être… je ne sais plus très bien. Je pourrais vérifier sur mes livres. Laissez-moi votre numéro, je n’ai pas le temps maintenant mais ce soir ou demain, si vous voulez vraiment savoir…
-          Et si on allait voir tout de suite ? propose Livron.
-          Je n’ai pas le temps, je dois aller…
-          Vous savez, on est pas des agents du fisc, on s’intéresse pas à votre comptabilité, on veut pas savoir si vous avez vendu ce chien trois-cents ou trois-mille euros. On aimerait juste savoir qui a acheté ce chien…
Le nommé Sadilon regarde Livron de l’œil du gars qui a vu une merde sur le trottoir mais mon Livron ne se dégonfle pas et le toise sans ciller.
-          Allons, allons, dit Sadilon, on va aller voir, suivez-moi.
Il nous fait entrer par une porte latérale donnant dans un petit bureau. Il ouvre une armoire à classeurs, trifouille un peu dans un classeur, fait mine de ne rien trouver puis prend un cahier d’écolier qu’il se met à feuilleter. Puis il reprend la parole :
-          Voilà, je me souviens. Le chien a été acheté par un nommé Robico qui est venu me le régler sur place. Mais c’est une dame qui est venu le chercher, en fait c’était un cadeau, je pense que cette dame n’était pas sa femme…
-          Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?
-          Il portait une alliance. Elle n’en portait pas… Et puis, j’ai bien cru comprendre… je dirais même, enfin ça va vous paraître bizarre… comme un cadeau de rupture…
-          Un cadeau de rupture ? dis-je, incrédule.
-          Vous savez, ce ne serait pas la première fois, en quelque sorte un chien de remplace-amant ! Ah, j’ai vu aussi une dame qui a offert un chien à son mari pour l’occuper pendant qu’elle était chez son amant. Il paraît que c’est très efficace !
-          C’est cette dernière qui vous l’a raconté ? demandé-je.
-          Ah ah, non, c’est son amant, je le connais bien et c’est lui qui avait donné le conseil à la dame…, répond-il d’un air gêné.
-          Le marketing fait feu de tout bois, commenté-je. Mais la dame vous a-t-elle donné son nom à elle ?
-          Non, elle a été un peu déçue quand elle a vu que le chien n’était pas à son nom pour les papiers vétérinaires, mais elle était emballée par le chien. Comme presque toujours quand les chiens sont petits, évidemment. Voilà, c’est tout ce que je peux vous dire : Robico, ah oui, à Verneuil en Charente, c’est l’adresse qu’il m’a donnée.
-          Eh bien voilà, finalement vous en savez des choses, dit Livron. Merci beaucoup, Monsieur Salidon, on ne va pas vous retarder plus maintenant !

-          Au revoir, messieurs, tout le plaisir fut pour moi, répond-il d’un ton sarcastique.
(à suivre...)

dimanche 30 novembre 2014

Chronique du temps exigu (133)

Il est doux d’avoir des amis riches, heureux et en bonne santé.
C’est pourquoi je vais vous parler de mon ami le professeur Papillon. En effet, ce dernier, suite à son éviction de la Fonction Publique, suite à son infortune conjugale et suite à un redressement fiscal qui lui avait été adressé par l’amant de sa femme qui n’était autre que son propre percepteur, était tombé dans un profond marasme qui faillit lui coûter sa santé. N’eût été l’intervention du bon docteur V., notre ami professeur aurait touché le fond. Mais un traitement par les plantes des pieds lui permit de se remettre à flot : le docteur V. lui prescrit une paire de chaussettes jaunes dans lesquelles il introduisit un fin mulching de feuille d’impôt mêlé à un léger broyat des pages ** à **[1] du Code de la Fonction Publique. En moins d’une semaine, le professeur avait retrouvé toute son énergie de découvreur. Toutefois, pour avoir l’esprit libre et s’adonner à la découverte, il lui sembla fondamental de se donner des moyens financiers et il m’avait emprunté les trente-six euros soixante-dix-sept cents nécessaires pour l’achat d’un piège à ragondins. Car il voulait se lancer dans le piégeage de cet animal considéré comme nuisible. Disons bien que le ragondin est nuisible surtout quand il est en bande, ce qui le rend proche du politicien : en effet, lâchez un homme politique seul et court-vêtu dans la nature, il fera peu de dégâts. Mais remettez-le dans un Conseil, une Assemblée ou une Chambre et il se permettra les pires méfaits. Mais revenons à nos myopotames…
Papillon se mit donc entrepreneur de piégeage de myocastors et bâtit une véritable fortune sur cette activité. En effet, passons sur les détails sordides, la chair de cet animal est fort appréciée sous l’appellation « lièvre des marais » et l’on peut trouver dans les meilleures boutiques du pâté de marque « Papillon », célèbre dans quarante-quatre pays sur trois continents. De plus, la fourrure de ce mammifère est très prisée pour la fabrication de chaudes et élégantes pelisses.  Pour les gants, on préfèrera la fourrure de rat musclé, qui donne une forte poigne.
Rappelons que la femelle ragondine a les mamelles sur le dos afin que ses petits puissent téter tout en nageant, particularité unique et remarquable.
C’est ainsi que notre éminent professeur vint me restituer l’argent prêté, augmenté des intérêts légaux. Par la même occasion, il me promit une chapka de fourrure, je l’attends avec impatience.
On voit par là qu’il faut garder la tête près du bonnet.



[1] Il est utile de préserver l’anonymat de ces dernières.

jeudi 27 novembre 2014

Le cabot de Fortunio (21)

Je m’attendais à trouver le président en question dans quelque petit château médocain et nous arrivons dans une modeste fermette où une dizaine de toutous nous accueillent. Le président est un personnage fort convivial et lorsque je lui explique que Flèche est un chien trouvé, il se marre carrément.
-          Vous avez vraiment du bol, un chien comme celui-là peut coûter plus de deux-mille Euros. Mais il ne vient pas de chez moi, ça j’en suis sûr et certain. Je n’ai pas un gros élevage, je me souviens de tous les chiens que je vends, ou presque. Vous devriez essayer du côté de chez Sadilon, il en vend à la pelle. Il est plus marchand qu’éleveur, lui. Il a raflé le maximum de chien en ex-RDA après la chute du mur. A l’époque, les gars là-bas étaient contents de vendre, les prix leurs semblaient élevés mais ils ont regretté après. Enfin, bon, allez le voir si vous voulez, il est dans le Tarn. Je vais vous passer ses coordonnées mais inutile d’y aller de ma part, on n’est pas spécialement copains. Lui, c’est le genre à se faire du fric en vendant des snotenbergs à des snobinards en leur faisant l’article sur le chien rarissime, la race en voie d’extinction et le toutim. Il vend très cher des chiens pas toujours dans le standard de la race. Les gens rêvent qu’ils vont devenir éleveurs et qu’ils vont s’en mettre plein les poches en les faisant se reproduire. On ne s’improvise pas éleveur, vous savez. Enfin, trêve de cancans, je commence à jouer les mauvaises langues. Quoiqu’il en soit, votre chienne est bien conformée, vous pourriez la faire porter, recontactez-moi quand elle aura ses chaleurs si cela vous dit. Ça serait dommage qu’elle vous fasse des bâtards.
-          Je dois dire que je n’y ai absolument pas pensé, on verra, dis-je. Vous avez l’adresse de ce Monsieur Sadilon ?
Il prend un papier et note l’adresse et le numéro de téléphone. Nous prenons congé et repartons.
-          Maintenant qu’on est partis en branlère, on va chez ce Sadilon ? demandé-je à Livron.
-          Allons-y, ma femme travaille et ne revient pas à midi. Donnez-moi le papier, je vais appeler pour voir s’il peut nous recevoir.
Livron appelle le gars qui accepte de nous recevoir à deux heures.
-          Bien, dit-il, il ne faut pas traîner, c’est après Gaillac. On va se trouver un restau avant d’arriver, c’est moi qui invite, bien sûr.
Le restaurant nous déçoit un peu, inutile donc de préciser où il se trouve. Et à deux heures, nous sommes chez le Sadilon en question. Les lieux sont beaucoup plus luxueux, une grosse maison bourgeoise avec de vastes dépendances, façades garnies de lierre, deux ou trois chevaux dans un pré à l’arrière, un seul chien dans la cour et le propriétaire habillé style gentleman-farmer. Lorsque je lui explique le but de notre visite, il nous toise de haut, comprenant que nous n’étions pas venus en acheteurs. Il consent quand même à jeter un œil sur ma Flèche mais ne semble pas savoir si ce chien vient de chez lui. Seulement, lorsque je précise que son nom d’origine est Kara, il se trouble un peu. Il se ressaisit en reconnaissant qu’il est possible qu’elle vienne de son élevage. Il en vend tellement !
-          Mais votre élevage n’est pas sur place ? demande Livron.
-          J’ai quelques femelles ici et j’ai une métairie où se trouve mon élevage. Vous dites que vous avez trouvé ce chien ?
-          Je l’ai trouvé, porté au chenil départemental et finalement gardé. Le tout parfaitement en règle…
-          Mais il a une puce, ils n’ont pas cherché son propriétaire ?
-          Si mais il semble qu’il ait disparu et sa femme, contactée par téléphone, affirme qu’ils n’ont jamais eu de chien.
-          Et comment s’appelle-t-elle, cette dame ?
-          Euh, on ne m’a pas donné le nom, dis-je après un moment d’hésitation et en espérant que Livron ne me démentira pas.
-          Bon, en tout cas vous avez une assez belle chienne. Quelques défauts peut-être mais si vous voulez la vendre, je pourrais peut-être vous l’acheter…
-          Ça vaut cher un chien comme ça ?
-          N’exagérons rien, il n’est pas lofé. Trois ou quatre cents euros peut-être…
-          Ah oui quand même ! C’est une belle somme, dis-je faussement naïf. J’y réfléchirai.
-          Bien, vous avez mes coordonnées, n’hésitez pas à m’appeler. Excusez-moi maintenant mais j’ai à faire et je suppose que vous aussi.

Nous comprenons que l’entretien est terminé et nous dirigeons vers mon fourgon.
(à suivre...)

dimanche 23 novembre 2014

Chronique du temps exigu (132)

Le Parlement Français est très occupé à redessiner la carte des régions françaises : il paraît qu’une telle mesure permettra de réduire les dépenses de l’Etat. D’aucuns vont jusqu’à prétendre que cela génèrera des économies mais cela est un abus de langage ; comment en effet générer en moins ?
Foin de ces basses considérations financières et voyons plutôt l’avantage qu’il y a, tout en agrandissant les régions, à ne pas supprimer cet échelon appréciable dans la hiérarchie administrative et électorale. Bien sûr, cet échelon permet d’occuper les électeurs deux dimanche tous les 6 ans mais aussi de fournir un siège à des conseillers régionaux qui sans cela se verraient bien fatigués. Toutefois, l’avantage le plus certain réside dans le parapluie que représente la hiérarchie des lieux de pouvoir.
En effet, imaginons que vous avez un souci qui relève de l’administration locale : vous allez voir votre maire et comme celui-ci ne peut – ou ne veut ? - rien faire, il vous déclare tout de go : « c’est pas nous » (prononcer :cépanou) et il (ou elle) vous renvoie sur les instances départementales, préfecture ou Conseil Général. Bon enfant, vous lui faites confiance et vous déplacez donc vers votre chef-lieu de département pour obtenir satisfaction. Et là, on vous répond : « Cela n’est pas de notre ressort, voyez le Conseil Régional ! ». Naïf quoiqu’obstiné, vous vous transportez à l’Hôtel de Région, pensant trouver un aboutissement à votre juste cause mais, les voyages formant la jeunesse, on vous affirme que c’est à Paris-Capitale du Jacobinisme que tout se décide et que c’est donc là qu’il faut vous rendre. En fin de compte – c’est ce que vous croyez – vous arrivez devant le Président de la République, vous lui baisez les mains, certain d’avoir enfin trouvé celui qui comblera votre demande. Oh déception cruelle ! Il vous envoie vers Bruxelles, siège des instances européennes (il est à noter qu’en France, si quelqu’un se plaint de l’Europe, il dira toujours que c’est la faute à Bruxelles et s’il y a quelque satisfaction, c’est grâce à Strasbourg… allez savoir pourquoi !). Il ne vous reste plus qu’à prendre le Thalys et vous propulser vers le Berlaimont-Camembert où l’on vous répondra (si l’on vous répond…) : « Mais cher monsieur, votre problème, c’est la faute à la mondialisation, nous ne pouvons rien pour vous ! ».
Alors, las, vous venez enfin de comprendre ce qu’est le parapluie administrativo-électoral et vous voyez par-là qu’il importe de ne surtout pas supprimer un échelon de cette hiérarchie qui non seulement engraisse des élus déjà replets mais aussi les préserve de la pluie.

jeudi 20 novembre 2014

Le cabot de Fortunio (20)

-          Pratiquement, oui. Pourtant, j’ai du mal à avaler que Robico, chirurgien, ait pu croire que son acheteur s’appelait comme cela. Ou alors, ils étaient de mèche, mais quel
-          intérêt ?
-          Peut-être avait-il absolument besoin de vendre sa caisse, dans ce cas, il a pu ne pas être très regardant…
-          Admettons. Reste le chien, la coïncidence est plus que troublante car le chien a bien été enregistré par un vétérinaire d’Angoulême avec comme propriétaire un nommé Robico.
-          Oui. Et votre chef, ça ne le trouble pas plus que cela ?
-          Mon chef s’appelle Padhovak mais on le surnomme « pas de vagues » si vous voyez… et Angoulême lui a conseillé de mettre la pédale très, très, très douce !
-          Alors, buvons un coup à la santé de Flèche, elle aura au moins gagné cela !
-          Oui, prosit Flèche ! A ce propos, je ne suis pas venu vous voir juste pour vous raconter que je n’avais rien à raconter. En fait, j’en sais un peu plus par un collègue de Charente. Robico est connu comme le loup blanc à Angoulême, chirurgien et gendre de la plus grosse fortune locale. Il a épousé Mademoiselle de Laglande et son fric. Ce n’est pas un aigle mais il a un poste de chef de service plus un cabinet en ville. C’est aussi un fêtard et il se murmure que le chirurgien n’a pas toujours la main sûre. Il y a aussi une histoire qui a couru sur lui. Il s’affichait ouvertement avec une maîtresse, un peu trop ouvertement même. Maîtresse qui lui avait allègrement soutiré un gros paquet de fric. Madame Robico n’a pas apprécié la publicité et elle aurait coupé les vivres à son mari…
-          Elle a coupé le robico, en quelque sorte. Excusez-moi mais celle-là, il fallait que je la place...
-          Ah ah, oui. Le chirurgien aurait donc cédé et promis de s’acheter une conduite. Mais, toujours d’après mon collègue, il aurait une autre maîtresse. Bien plus discrète et bien moins gourmande aussi…
-          Une conduite intérieure, si je comprends bien !
-          Si c’est vous qui me sortez des astuces de gendarme, où va-t-on, je vous le demande ?
-          Continuez, je promets de ne pas recommencer.
-          Donc, mon collègue est bien au courant car ses parents habitent dans le même village, à deux pas, de chez la dame. Un patelin qui s’appelle Verneuil. Elle a une belle maison dans un parc, certainement des moyens financiers, et un chien. Je n’en sais pas plus mais c’est déjà pas mal.
-          D’accord, mais si l’enquête est enterrée…
-          Rien ne nous empêche de continuer à nous renseigner !
-          Vous continueriez l’enquête en free-lance ? Détective privé, en quelque sorte…
-          Oui, si on veut. Mais pas tout seul, j’ai dit nous renseigner !
-          Ah, parce que vous embauchez en plus ! Moi, je ne suis qu’un simple maçon, pas un enquêteur, à chacun son métier !
-          Disons que le jour où je construirai une maison, vous m’apprendrez à maçonner et moi, je vous apprends à enquêter !
-          Ah non, j’ai pas le temps de m’occuper de ça, moi. Déjà que j’ai un chien maintenant et ça n’est pas rien. Qu’est-ce qui vous permet de croire que je vais m’embringuer dans ce truc ?
-          J’ai un petit doigt, moi aussi. Et il est plus malin que celui à Queutard, si vous voyez.

Nous nous regardons quelques secondes les yeux dans les yeux. Je ne peux croire que Juliette lui ait parlé, ce flic n’en sait sans aucun doute pas plus que cela mais c’est un malin ou il a du flair. Un ange passe, les ailes chargées d’avanies. Et quand les avanies commencent à tomber en pluie, y’aurait intérêt à se planquer. Mais Fortunio est du genre à partir à découvert…

-          Disons que nous voilà associés, alors, dis-je. Qu’attendez-vous de moi ?
-          Qu’on se tutoie, d’abord. Ensuite, c’est pas compliqué. Il faut se renseigner sur le chien.
-          Mais qu’y-a-t-il à glaner de ce côté-là ? Madame Robico a répondu au chenil qu’ils n’avaient pas de chien.
-          Ce chien est, à ce que j’ai compris, un chien d’une race assez rare en France. Il faut se renseigner auprès du club de la race, il est peut-être au Lof, le livre des origines.
-          Ah, je n’y avais pas pensé et pourtant, la jeune femme du chenil me l’avait dit, c’est un snotenberg, une race de l’ex-RDA.
-          Il faut se renseigner, on va trouver sur internet. Il y a bien une société centrale canine et des clubs de race. Ce qu’il faut rechercher, c’est le président du club des snotenberg. Tu vas le voir avec le chien…
-          Oh oh, doucement, je ne vais pas galoper dans toute la France pour cette histoire de bagnole en confettis !
-          Oui, oui, je comprends. Bon, tu as internet ?
-          Oui, réponds-je mollement.
-          Allons voir. Si ça en tombe, il y a des éleveurs pas loin d’ici.
Je vais allumer mon ordinateur en traînant un peu les pieds et nous commençons à chercher. Coup de bol pour nous, le président du snotenberg habite dans le Médoc, Livron insiste pour que je l’appelle illico et, dans le feu de l’action, je prends rendez-vous avec lui pour demain mardi.
Nous finissons nos verres et Livron, qui est libre le lendemain, viendra me rejoindre et nous irons ensemble.


*
(à suivre...)

dimanche 16 novembre 2014

Chronique du temps exigu (131)


Du 10 janvier 2013 au 3 juillet 2014, le voile a été levé sur ce qu’il est advenu du magot en pièces d’or qu’Albert Forelle, maçon de profession surnommé Fortunio, gardait comme un talisman dans sa maison de Marmande. On fait la connaissance de la ténébreuse Angie, de la sulfureuse Juliette, de la magouilleuse Lorène, de la valeureuse Suzanne et de la fumeuse Eliane.  Et aussi du brigadier Queutard, l’enquêteur qui croit que son petit doigt lui parle à l’oreille alors qu’il se le met… dans l’œil, de Léon, le garagiste qui ouvre les serrures en soufflant dessus, de Méva le greffier mignon qui n’est pas passé terrine du chef et de François Bonnefoi, l’homme qui fricote avec les nippones.  Ainsi que le redoutable Sorgensen, incendiaire et étrangleur que Fortunio ne peut neutraliser à lui tout seul : pensez donc, il ne pratique ni les arts martiaux ni le tir au pistolet car il ne connait que le maniement de la truelle. Il se retrouve en taule puis, à peine sorti, encagé dans une cave toulousaine. Il sillonne les routes, de la Guyenne à l’Hérault, de la Haute-Garonne au Puy-de-Dôme et retour vers le Périgord. Il entre sans frapper chez les uns comme chez les autres, courant derrière Angie sans la rattraper, il soulève les tapis pour retrouver son magot et finalement, il double la mise. Mais je ne vais tout de même pas tout raconter puisque le livre est maintenant publié chez TheBookEditions et tout un chacun peut l’acheter au prix de 13 Euros, port en sus. Et pour le même prix, vous pourrez continuer à suivre les aventures de Fortunio et de son cabot sur ce blog, tous les jeudis de toutes les semaines à l’exception des semaines des quat’ jeudis, bien sûr !

On voit par-là que pour treize Euros on peut encore avoir tout un roman.

jeudi 13 novembre 2014

Le cabot de Fortunio (19)

II. Les chiens aboient…
Lundi matin, je vais au chantier escorté de mon chien de garde. Je me demande si je fais bien de le trimbaler ainsi avec moi mais on n’est qu’au début de notre relation, si j’ose dire, et je suis son seul repère. Donc, c’est ainsi pour le moment, on verra après.
Je m’éclipse en cours de matinée pour aller au bureau de poste et faire partir mon courrier du cœur, affranchi en bonne et due forme. Puis, retour au boulot, faut être sérieux quand même !
Le boulot est rude, nous montons de grosses poutrelles pour faire un plancher et nous voyons avec soulagement arriver la fin de la journée. Chacun rejoint son chez soi.
Et qui m’attend devant ma porte ? Mon ami Livron, le gendarme marmandais en tenue de footing et débarqué d’une Clio grise.
-          Bonjour Monsieur Forelle, je ne vous dérange pas ?
-          Non, je préfère vous voir habillé ainsi. Vous venez faire votre footing dans les champs de patates ?
-          Pourquoi pas ? Non, je viens d’abord vous saluer et présenter mes hommages à Mademoiselle Flèche, c’est bien comme cela que vous l’appelez ?
-          Nous sommes plus intimes que ça, c’est Flèche tout court ou La Flèche si on veut.
-          Bien. J’avais dit que je vous tiendrais au courant de l’enquête, cela n’est pas très régulier mais vous allez comprendre pourquoi je viens vous voir.
-          Alors, asseyons-nous. Voulez-vous boire quelque chose ? Une bière par exemple, vous n’êtes pas en service, je suppose ?
-          Ce n’est pas mon habitude mais si c’est pour trinquer, va pour une petite bière…
-          Attention ! Il n’y a pas de petites bières, ici. Il n’y a que des grandes bières. Mais je vous promets de ne pas vous pousser à la consommation…
Nous entrons dans la maison, je sors deux bouteilles d’Orval avec les verres ad hoc. Nous trinquons.
-          Prosit ! Monsieur Livron.
-          Ah oui, prosit, monsieur Forelle. Mais appelez-moi Raymond quand je suis en péquin !
-          Oui, volontiers et appelez-moi Albert. Alors, votre enquête ?
-          Oui, mon enquête, comme vous dites ! Le Docteur Robico était propriétaire du véhicule. Mais il n’est pas rentré chez lui depuis une bonne quinzaine de jours. Toutefois, son épouse a retrouvé le double du papier de la vente et on connaît le nom du nouveau propriétaire…
-          Et alors, vous l’avez retrouvé ?
-          Quand je vous aurai dit son nom, vous comprendrez : il s’appelle Adso Demelk.
-          Ce nom devrait me dire quelque chose ?
-          Ça dépend. Vous avez vu le film « le nom de la rose » ?
-          Non, j’ai lu le livre ! Ça me revient, bien sûr, c’est le disciple de l’inquisiteur…
-          Voilà, c’est un faux nom dans le cas qui nous intéresse. Ce  n’est pas étonnant que le gars n’ait pas changé la carte grise. Il aurait payé en espèces, pas de trace de chèque. Et pas question de chercher des puces coté Robico, ce gars-là a épousé Sophie de Laglande, la fille du richissime et puissantissime Michel-Richard de Laglande. Robico a disparu, certes, mais pas question de le rechercher, ce n’est pas de notre ressort et il faut une demande de la famille. J’ai parlé du chien à mon supérieur qui m’a répondu : « Laissez tomber, il n’y a ni mort d’homme ni dégâts causés aux tiers, cette histoire va se tasser et ce sera bien comme cela, on a d’autres chats ou chiens à fouetter ».

-          Ce qui veut dire affaire classée ?
(à suivre...)

dimanche 9 novembre 2014

Chronique du temps exigu (130)

Faut-il qu’un homme meure pour que l’on se rende compte qu’il y a des gens en France qui se sentent exclus de leur vie de citoyens et de la gestion de leur vie ? Faut-il qu’un homme meure pour que l’on se rende compte que le pouvoir est accaparé par une nébuleuse de personnages arrogants unis par un consensus mou, une vision commune qui est celle de la nécessité du progrès scientifiques, de la croissance économique et d’une morale de bazar traditionnalo-laïco-philosophique.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : on veut faire des barrages, des grands travaux sous des prétextes fallacieux mais attestés par des experts dont on se demande parfois d’où ils sont sortis et quels sont les conflits d’intérêts qu’on pourrait leur reprocher. Il faut avoir de l’eau pour arroser, paraît-il, mais dit-on aussi que c’est pour arroser des cultures toujours plus exigeantes en eau, toujours plus traitées en engrais et pesticides ? Non, on ne le dit pas, cela ferait désordre. Mais, vous disent encore ces experts et ces élus de toutes tendances, cela aura des retombées en terme de développement et en terme d’emploi, de même que quand il pleut sur M’sieur l’curé y tombe des gouttes sur le bedeau. Ah les belles promesses qui font vibrer les journalistes locaux, les syndicalistes et autres couillons de toutes farines. Car le problème n’est pas que le pouvoir soit accaparé par les gens de fric, de science et de politique, il est qu’ils ont un public fidèle qui gobe leurs sottises par le truchement des médias complices, public qui croit qu’en tapant un coup à gauche puis un coup à droite on continuera à avancer droit, public dont le divertissement est de critiquer une fois les uns, une fois les autres, mais un public qui partage au fond de lui-même ce consensus mou du discours scientifique, technique et marchand.
Mais l’attention de cette nébuleuse se tournera bien vite vers d’autres préoccupations et, suivant le principe qui dit que quand on veut assécher le marais, on ne prévient pas les grenouilles, on reprendra les dossiers, on y mettra un coup de peinture neuve, on changera de gouvernement, on fera du neuf avec du vieux, les experts et les bétonneurs se ramasseront de la fraîche et les élus seront toujours les élus. Car ils vous diront que c’est comme cela, la démocratie : on est élu pour une durée déterminée et, une fois élu, on fait ce qu’on veut. Ils n’ont pas tout à fait tort puisque c’est bien le principe de notre démocratie représentative. Mais alors qu’ils assument seuls leur bilan au lieu de gémir sous le soi-disant poids des responsabilités qu’ils ont eux-mêmes sollicitées. Et surtout qu’en fin de mandat ils montrent comment ils méritent la retraite qu’ils vont percevoir... s’ils la méritent. Et qu’ils se rappellent que la république, c’est la gestion de ce qui appartient à tous. Tiens, tiens…, à propos de république, R.F. ça ne vous dit pas quelque chose ?


Alors, s’il ne doit y en avoir que quelques-uns pour se souvenir de R.F., que nous soyons ceux-là.

jeudi 6 novembre 2014

Le cabot de Fortunio (18)

Je me force à prendre mon temps avant de l’ouvrir, je pose tranquillement le reste du courrier sur la table, je prends un coupe-papier, j’ouvre la lettre avec soin et je m’assieds pour lire posément :
« Mon Fortunio,
Six mois, c’est long, pourtant ils sont passés bien vite. Il y a tant à faire ici : agrandir l’école, bâtir le dispensaire, faire la classe pour les grands et les moins grands, préparer à manger, ranger, nettoyer… et quelquefois aider l’infirmier, moi qui ai toujours eu horreur de voir du sang, je suis servie. Sans compter que j’aide parfois à égorger des poulets. Et aussi, bien sûr, il y a des dossiers à remplir, surtout ne pas déplaire aux administrations.
Mais enseigner à des gosses qui ont une envie criante d’apprendre, de connaître et de savoir, enseigner aux enfants de parents qui ont le vrai souci de voir leurs enfants accéder aux bases qu’on ne leurs a pas données, tout en gardant leur culture, leur identité et leur liberté, c’est autre chose que ce que j’ai fait jusqu’à présent, enseigner à des gosses de riches dont les parents sont les enfants gâtés de notre petit monde européen déculturé par l’industrie culturelle. Ici, je vis ; là-bas, je survivais dans le long purgatoire des enseignants attendant la retraite comme leur doux pays de Chanaan.
Je suis partie depuis six mois et je t’ai laissé sans aucune nouvelle. Je t’ai écrit très souvent mais j’ai gardé toutes mes lettres. Il ne s’est pas passé un jour sans que je ne pense à toi mais c’était ainsi, il valait mieux attendre.
Dans un mois j’aurai l’occasion de revenir au pays, comme on dit. Le pays ne me manque guère et je serais restée dans mon village africain si ce n’était le désir de te revoir. C’est pourquoi je compte bien sur toi pour m’héberger quelques jours, quelques nuits.
La balle serait-elle dans ton camp ? Maintenant, avec cette lettre, tu as mon adresse.
Eliane qui …
PS : sais-tu qu’ici on a bien besoin d’un maçon ? »

Je l’espérais cette lettre et la voilà enfin. Je reste assis à la relire et la relire encore. Puis je me lève et me sers un petit blanc sec de Duras, manière de faire passer l’émotion sans la briser. La vie est belle, tout va bien et je vais revoir Eliane. Et maintenant, j’ai son adresse, je vais lui écrire. Evidemment pour lui dire que je l’attends. Et avec impatience, cela va de soi. Vite, du papier, une enveloppe, pour le timbre on verra ! Flèche s’approche de moi et pose son museau sur ma jambe, allons mon chien, il va falloir te présenter à Eliane, tu as intérêt à montrer patte blanche !



*
(à suivre...)

dimanche 2 novembre 2014

Chronique du temps exigu (129)

Mieux vaut penser le changement que de changer de pansement, disait Francis Blanche. Si les temps ont bien changé depuis, on n’arrête pas de penser le changement : l’actuel président de la république s’est fait élire sur le slogan « Le changement, c’est maintenant » et le précédent revient en disant « J’ai changé et le changement c’est moi ».
Le changement est devenu le maître mot de la communication politique et d’aucuns ont proposé comme slogans « le changement, c’est tout le temps » ou encore « Changer le changement ».
Dire que le changement c’est maintenant est une formule fort habile. En effet, maintenant est pérenne, à l’instar de demain qui ne meurt jamais et des diamants qui sont éternels. Monsieur H*[1] est donc bien le James Bond de la politique et Monsieur S* son Dr No, ou inversement.
Mais qu’est-ce qui peut donc pousser les électeurs à se prononcer en faveur du changement alors que la majorité d’entre eux souhaite surtout que l’on ne réforme rien et que tout reste dans l’état, même déplorable, où il se trouve ? Le français moyen veut que la baguette reste la baguette, que le béret reste le béret et que les politiciens restent des politiciens. Où irions-nous si tous les politiciens se mettaient à être intègres, à l’écoute de leurs administrés et à tenir leurs promesses ? Ce serait un scandale intolérable car de qui le français moyen pourrait-il dire tout le mal possible ? Les turpitudes du personnel politique sont aussi nécessaires à monsieur Tout-le-monde que l’air qu’il respire. En dénigrant ses élus, ce dernier évite de voir sa propre insignifiance et ses propres défauts. Tout se passe comme s’ils étaient des corps étrangers dont on ne sait d’où ils viennent alors qu’ils sont la simple émanation  de leur électorat. Et nombreux sont ceux qui, dans leur for intérieur, aimeraient se nourrir d’avantages exorbitants, de grasses prébendes et d’honneurs indus s’ils étaient à la place de ceux qu’ils critiquent.
On voit par-là qu’il faut que tout change pour que rien ne change.[2]




[1] Les protagonistes sont fictifs et anonymes.
[2] G. Tomasi di Lampedusa « Le guépard ».

jeudi 30 octobre 2014

Le cabot de Fortunio (17)

Le samedi matin, j’emmène ma Flèche à Mussidan et elle s’en donne à cœur joie avec les lévriers de Méva, Othello surtout qui est fort intéressé par cette femelle. Desdémone est plus réservée car elle allaite une portée de six chiots.
-          Ton chien est magnifique, me dit Méva, mais Snotenberg ou pas, il faut que tu l’éduques sinon tu vas te faire marcher sur les pieds. Bien sûr, c’est ton problème mais si tu veux te sentir bien avec ton chien et que lui aussi se sente bien avec toi, il faut que chacun trouve sa place. Le chien est un animal de meute et si c’est toi le chef, il n’en sera pas frustré si –et seulement si – tu assumes ton rôle. Le chien ne demande pas d’affection, il est en recherche de reconnaissance. Et si tu n’assumes pas ton rôle de chef de meute, il n’en sera pas plus heureux. A toi de choisir… Je te donne un conseil : éduque ton chien, tu as plusieurs possibilités. La première, c’est de payer quelqu’un pour cela, la solution bourge. La seconde, tu vas chaque semaine dans un club et vous apprendrez tous les deux à vivre ensemble.
-          Franchement, ça me gonfle d’aller faire le pingouin tous les dimanche matin, j’ai autre chose à faire…
-          Tu fais cela pendant quelques mois, le temps qu’il faudra. Tiens, je te propose un truc : tu restes ici ce soir, je t’offre le gîte et le couvert, cela va de soi, et demain matin nous allons ensemble au club canin de Mussidan. Tu verras ce que c’est, on fera comme si tu étais un nouveau, même si tu vas ailleurs ce n’est pas un problème. Mais au moins tu ne pourras pas dire que tu ne sais pas ce que c’est. Alors, ça marche ?
-          Allons, je boirai donc la coupe jusqu’à la lie, réponds-je sans réfléchir.
-          Ah non, me répond le Méva, tu passes la soirée avec nous mais je ne regarde pas la coupe de foot, c’est bon pour les débilot’s mais pas pour nous. Tu te souviens qu’on y jouait, au foot, chez les Samaritains ?
-          Oh bais oui mais on était pas des champions tout de même…
-          Oui, même au tennis on se faisait ratisser, t’étais pas meilleur que moi. Mais… dum Argos oppugnaret…
-          Interiit, réponds-je sans hésiter, de viris illustribus… sacré Pyrrhus !
-          Ah, la grammaire latine ! C’est pas qu’on était les meilleurs, mais tout de même…
-          Et Xénophon, Lucien de Samosate !
-          Eh bien, va t’faire voir chez les Grecs, on dirait des anciens combattants de la guerre du Péloponnèse ! conclut Méva.
Je passe donc la nuit chez lui et le lendemain matin nous allons au club canin. Nous y restons deux bonnes heures et je comprends vite que ma Flèche a besoin d’être cadrée et que moi-même j’ai beaucoup à apprendre.

Nous revenons à la maison et je constate avec intérêt que Flèche est nettement plus calme. Je compte bien passer une après-midi au calme, tranquille, dans le canapé. Avant de m’installer confortablement, je vais jeter un coup d’œil à ma boîte aux lettres que je n’ai pas relevée hier samedi, histoire de relever mes factures. Il y a une lettre qui vient de l’étranger ; l’émotion me submerge quand je vois que c’est une lettre d’Eliane, oui c’est bien elle, Eliane Bonnefoi !
(à suivre...)