En vedette !

dimanche 29 janvier 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 20





Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Après avoir dégoisé tant et plus sur les glands, les navets les sots et autres foutriquets de toutes farines, il serait reposant, comme dirait Sylvia,  de changer radicalement de sujet. Et s’il est un sujet que jamais nous n’avons abordé, c’est bien le chou. Il n’est pas question de piétiner les plates-bandes des collègues chroniquant les marmites et casseroles, le jardinage ou les légumes frais mais seulement de parler de ce légume éminemment populaire non seulement pour les relâchements du ventre qu’il est censé produire mais encore pour sa bonté intrinsèque exprimée dans tant d’expressions communes telles que mon chou, ça serait chou, mon p’tit chou, mon chouchou ou mon bout de chou. Malgré sa bonté, il est à ménager comme la chèvre et c’est dans les choux que naissent les enfants qui n’ont pas pu passer par les voies naturelles. Et de plus, associé à un ou plusieurs de ses congénères, il partage avec le caillou, le hibou, le genou, le pou, le joujou et le bijou la gloire de posséder un x lorsqu’ils sont à plusieurs. De là l’expression « une certaine quantité plus x » et « né chou x ».
Il y a toutes sortes de choux, depuis le chou frisé et le chou plat jusqu’au chou-rave et au chou-fleur, je n’arriverais pas à en dresser une liste exhaustive. Il y a le chou blanc, le chou rouge et le tête de nègre, le chou caulet si cher au bétail, le chou à choucroute, le brocoli si élégant dans ces petits bouquets et l’arbitre des élégances des choux, le Romanesco dont les bouquets dessinent des fractales qui eussent réjoui Mandelbrod. J’allais oublier le chou de Bruxelles, plus belge encore que la frite, qui est la plus mignonne des miniatures du chou, naissant aux aisselles du trognon. Qu’on l’appelle raba caul ou Kohlrabi, suurkrüt, chou cabus ou cabbage, le chou n’a pas fini de nous surprendre. On en met dans le stoemp qui a servi de régal obligatoire à un peuple entier de petits Bruxellois dont il a fortifié les muscles et encouragé la propension à la bedaine. Mais le chou n’a pas toujours bonne presse et Serge Gainsbourg a fait un album intitulé  « l’homme à la tête de chou ». Une feuille de chou est un journal de peu de valeur et des oreilles en feuille de chou sont considérées comme peu élégantes. Louis-Ferdinand Céline écrivait : « L’été aussi tout sentait fort. Il n’y avait plus d’air dans la cour, rien que des odeurs. C’est celle du chou-fleur qui l’emporte et facilement sur toutes les autres. Un chou-fleur vaut dix cabinets, même s’ils débordent. ». Jean Girault, dans son film « La soupe aux choux » adapté du roman de René Fallet permet à Jean Carmet et Louis de Funès de partager leurs variations mélodiques mais sans la fragrance qui s’y rattache. Et les expressions « prendre le chou » et « faire chou blanc » ne sont pas des moindres.
Pourtant, le chou était fort prisé des bons auteurs de l’antiquité : Pythagore et Platon en ont célébré les vertus et Pline l’Ancien y a consacré de longues tablettes. S’il reconnait en effet des effets de relâchement du ventre, bénéfiques selon ce vénérable auteur, il recense aussi moult utilisations thérapeutiques de ce généreux légume. Et il conseille, parmi d’autres médications, l’urine de celui qui a mangé du chou, préalablement chauffée et administrée en breuvage contre les maladies nerveuses. Je pense en effet que ce remède est certainement plus adéquat que tous nos antidépresseurs, anxiolytiques et psychotropes modernes pour un prix abordable même sans le remboursement de la Sécurité Sociale.
J’ose à peine citer encore Savinien Cyrano de Bergerac qui disait : « Je trouve pourtant bien du distinguo entre les femmes et les choux ; car des choux la tête seule est bonne, et des femmes c'est ce qui ne vaut rien. » Il disait aussi : « Vous anéantissez l'âme d'un chou en le faisant mourir ; mais en tuant un homme vous ne faites que changer son domicile »
On voit par-là que faut pas jouer les riches quand on n’a pas le chou.

jeudi 26 janvier 2017

René-la-Science (34)



— Oui, il a un traitement depuis plusieurs années. Et puis, je lui ai donné un somnifère, il a besoin de récupérer, répondit-elle.
— Le somnifère, je comprends. Mais le reste alors ?
— Il a un suivi médical, euh, psy je dirais…
— Bon, bon, j’aurais dû le comprendre plus tôt, cela, je suis un peu naïf sans doute.
— Et moi, tu crois que j’ai compris tout de suite ? Toi, je parie que tu vis sans médicaments.
— Ben oui, pas toi ?
— Non non, moi non plus je ne me médicamente pas. Quand ça ne va pas, un petit joint me remet d’aplomb.
— Tu fumes régulièrement ?
— Oui, pas mal en ce moment, tu comprends peut-être pourquoi… dit-elle en s’approchant et en fixant mon pull de laine.
Elle attrapa une bouloche sur mon pull et me regarda dans les yeux en passant la main sur mon tricot. Je la pris dans mes bras. Je lui caressai le cou avec mes lèvres, puis en passant sur sa bouche, je sentis sortir un bout de langue auquel je répondis. Non continuâmes ainsi, puis je l’entraînai sur le canapé. Nous fîmes l’amour à la rustique : elle les jupes relevées et la culotte baissée sur une jambe, moi le pantalon sur les chevilles.
— C’est un peu cavalier comme manières, mais n’étions-nous pas dans l’urgence ? Dis-je en
m’agenouillant à côté du canapé où elle est encore couchée.
— Ne fais pas de commentaires et prends-moi un essuie dans le placard, là, me dit-elle en riant. Tu vois bien que tu m’en as répandu un peu partout.
Je me relevai, me rajustai tant bien que mal et lui fis passer le torchon demandé. Elle se le passa sur les cuisses et entre les jambes puis se leva. Elle se rajusta rapidement elle aussi et monta à la salle de bains. Je vis une bouteille de vin sur la commode, je la pris ainsi qu’un verre dans l’armoire. Je sortis un tire-bouchon de ma poche et ouvris la bouteille. Et, galamment, je m’assis à table et me servis un verre de picrate. Magali redescendit et, voyant le tableau :
— Eh bien merci, c’est gentil de penser aux autres. Ça m’a donné soif à moi aussi tout cela, me dit-elle en me prenant par les épaules. Tant pis, je vais boire dans ton verre, comme ça je connaîtrai tes pensées…
— Ah surtout pas, tu rougirais, ma chérie, si tu connaissais mes pensées !
— Oh non, je ne pense pas. Mais si j’avais de l’amour comme cela régulièrement, un peu tous les jours, je me sentirais toujours bien. C’est le meilleur des traitements pour une femme, prendre et donner de l’amour. Mais j’entends couiner ton ventre et je ne suis pas sûre que tu entendes bien ce que je te dis avec le ventre vide.
— Ventre affamé n’a certes point d’oreilles, mais bite en chaleur n’a point de ventre, lui répondis-je. Mais je reconnais qu’après votre traitement, docteur, j’ai retrouvé mes oreilles.
— Oh toi, tu as faim, tu racontes des conneries. Allez, sers-moi un verre pendant que je te réchauffe ça. Tiens, tu veux un peu de pâté en attendant ? Moi j’ai mangé.
(à suivre...)