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dimanche 16 février 2014

Chronique du temps exigu (99)

« Les meilleures choses ont une fin »
Ainsi parlait Sara Toussetra, cette aimable et judicieuse buraliste qui s’est faufilée dans l’une ou l’autre de ces chroniques et dont nous avons pu apprécier les sentences éclairées.
Et en effet, les chroniques du temps exigu approchent de leur fin, c’est-à-dire qu’arrivées au nombre 100, elles s’arrêteront. Elles laisseront derrière elles quelques orphelin(e)s dont la précitée Sara mais aussi notre ami l’amiral, le bon docteur V., Tellia Reivilo, Ocellant, Ernesto Che Cussotile et les graciles oréades footballistiques. Sans compter tous les glands, peigne-cul et autres médiocres de toutes espèces et régions, les étrangers, les riches, les pauvres, les intervalles, les fonctionnaires de l’Education Nationale, les postiers, les bricks, les panamas et les octopus. Cette longue théorie de personnages qui ont pris vie sous une plume facétieuse va-t-elle se perdre dans la nuit des temps exigus ou continuera-t-elle à processionner dans des temps dilatés ? Seul l’avenir nous le dira, comme le prophétise le cartésien Tellia.
Donc et dorénavant ainsi que jusqu’à plus ample informé, la chronique du dimanche sera absente des écrans et, sinon purement supprimée, à tout le moins suspendue sine die. Qui sait si, au gré de l’humeur ou dans le tourbillon d’une actualité brûlante, il ne sera pas nécessaire d’en jeter sporadiquement une ça ou là…
Cela dit, Fortunio continuera à divulguer ses exploits tous les jeudis jusqu’à… tiens donc, justement, jusqu’à quand ?

On voit par là que, toutefois et néanmoins, cette chronique est la pénultième.

dimanche 9 février 2014

Chronique du temps exigu (98)

La liberté et l’égalité sont des marchandises fort prisées en ces temps de crise. En effet, cela ne coûte rien d’en parler et, comme on dit, ça mange pas de pain.
Marchandises, me direz-vous, voilà qui est un peu fort de café ! Et pourtant, il faut bien admettre que les bien-pensants de droite ont fait de la liberté un bien de consommation en la nommant libéralisme et que les conformistes de gauche nous transforment l’égalité en une denrée qu’on ne peut plus qualifier que d’égalitarisme.
Alors, comment ont-ils pu faire cela sans que nous ne nous en apercevions ? Par un jeu d’une simplicité enfantine mais d’une habileté démoniaque, le jeu du bonneteau, ce jeu où le bonneteur joue avec trois cartes ou trois gobelets en illusionnant son client. Ainsi en va-t-il de la liberté et de l’égalité entre les mains de nos camelots politiques, journalistiques et économiques de toutes farines. Ici ils vous découpent de la liberté en rondelles comme le ferait un charcutier : liberté de ceci, liberté de cela, libre circulation des biens, des personnes et surtout des capitaux, voici ce qui fait jouir les têtes pensantes de la droite. Là ils vous tranchent de l’égalité comme du salami : égalité des genres, égalité des chances, égalité devant la santé, égalité dans le travail, égalité dans l’accès à la culture, égalité des origines, des races et des religions, voilà ce qui fait frissonner les thaumaturges de la gauche. Les uns veulent des libertés qui leur appartiennent, les autres des égalités où tout se vaut, tout se ressemble, au risque d’en voir certains plus égaux que la moyenne.
Et si la liberté était une et indivisible, et si la liberté était en ceux qui savent la reconnaitre, et si la liberté n’était pas un assemblage de libertés hétéroclites où le tout serait moins que la somme de toutes les parties ?
Et si l’égalité était en moi lorsque je me sens égal à tous les autres, égal mais pas similaire, semblable quoique différent, et si l’égalité n’était pas un simple tas de poussières d’égalités que le vent emporterait ?

Alors, on verrait par là tous les êtres humains naître et vivre libres et égaux.

dimanche 2 février 2014

Chronique du temps exigu (97)

 « Oh, ça vaut pas la marche à pied ! »(Boris Vian).
La marche à pied est-elle un mode de déplacement, un moyen de locomotion, un sport, une religion ?  Ou fait-elle tout simplement partie de la vie comme respirer, boire, manger ?
Je tombai assez malencontreusement l’autre jour sur un sondeur et je cite une partie de notre entretien :
Le sondeur (voix grave) : - pratiquez-vous un sport ?
Le sondé (moi, mezzo voce) : - aucun.
Le sondeur (voix grave mais enjôleuse) : - Pratiquez-vous des activités physiques régulières ?
Le sondé (moi, mezzo voce, hésitando) : - La marche à pied, cela vous va ?
Le sondeur (voix grave, lourde de reproches) : - Mais alors, vous pratiquez un sport !
Le sondé (moi, mezzo voce) : - Vous pensez ?
Le sondeur (voix grave, impératif) : - Bien sûr, puisque c’est marqué sur mon papier !
Le sondé (moi, mezzo voce, reculando) : - Alors, d’après vous, je pratique un sport ?
Le sondeur (voix grave, impératif, rinforzando et concluando) : - Bien sûr, puisque mon formulaire le dit !

Ainsi, par la magie de l’administration des statistiques, me voilà réduit au rang de sportif ordinaire. Moi qui pensais en marchant le front haut et le pied altier faire une simple activité où l’on met un pied devant l’autre, une activité dont la lenteur permet la réflexion, l’émerveillement  et un déplacement à vitesse modérée, une activité pour tout dire apprise dès la sortie du berceau… si mes parents avaient eu conscience qu’ils faisaient de moi un sportif en m’apprenant à marcher !
Car, en effet et par exemple, cela n’est pas parce que l’on a appris à parler que l’on est un intellectuel. Ce n’est pas parce que l’on a appris à compter que l'on est un scientifique. Ce n’est pas parce que l’on a appris à écrire que l’on est un écrivain. Cela se saurait et nous pourrons bientôt le vérifier en lisant les éventuelles professions de foi des candidats aux élections municipales !
Donc, révoltons-nous, marcheurs à pied ordinaires ! Refusons d’être assimilés à tous ces sportifs qui exigent des stades luxueux, des installations pharaoniques, des routes et des moyens de transport pour aller pratiquer leurs louches activités ainsi que des retransmissions en direct et en différé de leurs vénales apothéoses.
Marcheurs à pied, continuons à avancer en nous hâtant lentement, en regardant la nature en face, dans la gratuité du promeneur adonné à ses rêveries !

On voit bien par là que nous ne nous laisserons pas marcher sur les pieds.