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dimanche 29 septembre 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs V (4)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Cette semaine, je vous parle d’un livre autobiographique intitulé « Un paysan à l’Assemblée nationale » écrit par Marcel Garrouste et publié en 2018 à Monsempron-Libos par les éditions P.H.P., Pays, Histoire et Patrimoines. Marcel Garrouste fut député socialiste de la circonscription de Villeneuve-sur-Lot de 1978 à 1986 et de 1988 à 1993.Il fut aussi, entre autres, maire de Penne d’Agenais. Né en 1921, il est toujours présent et continue à dédicacer son livre. En 1978, j’habitais dans la circonscription électorale où il se présentait et participai à sa campagne électorale.
Ce livre, il le dit bien, est un témoignage. Il parle de son enfance dans une famille de paysans, à Trémons, et il décrit la vie quotidienne avec les usages, le travail et les relations sociales. Ensuite il décrit une carrière remarquable, depuis la petite ferme familiale et l’école qu’il quitte à onze ans jusqu’au siège de député à l’Assemblée nationale. Parcours dont on suit la gradation : le travail de paysan, la guerre au sortir de laquelle il devient secrétaire de mairie, le désir d’apprendre qui fait qu’il se rapproche d’une institutrice qu’il épousera, l’évolution professionnelle en tant que directeur de la maison de retraite de Penne, l’engagement politique d’abord dans sa commune, dans son canton puis dans le département et toujours cette impérieuse nécessité d’apprendre et de connaître pour celui qui avait surtout appris l’orthographe et le calcul jusqu’au CEP. Chemin semé d’embûches pour ce député socialiste dont l’élection en 78 annonçait la future victoire du programme commun.
J’ai remarqué dans ce livre, moi qui étais présent à la réunion électorale de Beauville en 1978, que le député semble avoir oublié notre canton quand il parle de sa campagne. Il est vrai que Beauville (arrondissement d’Agen mais circonscription électorale de Villeneuve-sur-Lot) était le plus petit canton du département. Comme le disaient les romains, de minimis non curat praetor… Toutefois, notre petite salle était comble d’un public plutôt acquis au candidat.
Cette lecture, pour prenante qu’elle soit, m’a laissé une impression de tristesse, celle des espérances déçues après 1981, en tout cas pour le paysan que j’étais. Bien sûr, la 5ème semaine de congés payés, les lois Auroux, le remboursement de l’IVG, le RMI et l’abolition de la peine de mort ne sont pas à passer sous silence mais il me semble que tout cela –réformes sociales ou sociétales- a accompagné la continuation de l’exode rural, l’emprise des zones commerciales et des lotissements sur les meilleures terres agricoles, la paupérisation des petites exploitations, l’intensification du productivisme et l’utilisation des pesticides. Quant à la retraite à 60 ans, c’était bien mais vu le niveau des retraites agricoles encore aujourd’hui, que dire ? En réalité, si tous les paysans étaient eux aussi devenus fonctionnaires, ils auraient de bonnes retraites mais qui les payerait ? Et la dernière phrase du livre est : « Je n’ose imaginer le monde dans lequel vivront mes arrières petits-enfants. » Pourtant, c’est bien ce que parfois on demande à nos élus, d’oser imaginer…
Mais pour revenir au livre, c’est bien le livre d’un honnête homme, au sens ancien du terme, un humaniste qui, avec une vraie modestie, parle du travail à la ferme, puis de son travail de fonctionnaire, des luttes politiques avec ce qu’elles comportent de pièges et de trahisons et de tout ce qui fut sa vie. Il a écrit ce livre principalement pour ses filles et ses petits-enfants mais c’est un ouvrage qui méritait bien d’être publié et diffusé. Je pense, personnellement, que ce livre devrait être lu par les électeurs de notre circonscription, c’est aussi leur histoire. A tout le moins, il devrait figurer dans chacune de nos mairies.
On voit par-là que vous pourrez trouver mon exemplaire à la mairie.

jeudi 26 septembre 2019

Appelez-moi Fortunio (33)


    
      - Tu as raison autant pour le soufflé que pour l’embrouille. Daniel nous revient, en pleine nuit, il a appelé une ambulance, il a ameuté tout le village, toubib, pompiers et compagnie…
-          Une crise de délire ?
-          Bonne question ! Il y a un fantôme dans la maison ! En tout cas, c’est ce qu’il dit et il ne semble pas délirant, là est le plus bizarre. Il dit l’avoir vu un premier soir, pas dans la maison mais dans le parc. Il l’a vu depuis la fenêtre du salon : une forme blanche qui virevoltait entre les arbres. Il a cru à une illusion, peut-être les phares d’une voiture au loin, que sais-je… Mais le soir suivant, même forme étrange. Là, il m’a avoué qu’il avait commencé à perdre les pédales mais il s’est persuadé que son esprit lui jouait des tours à cause de la solitude après tant d’années d’enfermement… Il est resté deux heures derrière la fenêtre, plus rien. Il est allé se coucher et là il dit avoir nettement entendu des bruits et comme des voix graves. Il a avalé plusieurs somnifères et il a dormi le lendemain jusqu’à midi. Et le soir, rebelote, la forme étrange qui passe dans le parc puis les bruits sourds et les voix. C’est là qu’il a craqué.
-          Retour à l’hosto, donc ?
-          Oui. Et que dire ? Surtout éviter de poser hâtivement un diagnostic. Et en tout cas pas d’étiquette. Ce garçon en a trop vu, il faut qu’il s’en sorte. Donc il passe trois semaines chez nous, je le vois chaque jour au moins une heure, nous essayons de lui faire prendre conscience de ses peurs et au bout de ce séjour il pense être d’attaque pour revenir chez lui. Je le verrai revenir quelques jours plus tard, il a réussi à ne pas péter les plombs mais il me jure que la maison et le parc sont hantés. Alors, la seule idée qui me vienne est de trouver quelqu’un qui accepte de lui tenir compagnie. En payant, bien sûr, puisque Daniel en a les moyens. En faisant marcher le bouche à oreille, on finit par trouver un retraité qui veut bien assurer une présence pendant quelque temps. Donc, ce gars reste dans le château de 20 heures à une heure du matin, après quoi, il rentre chez lui. Si nécessaire, il accepterait de veiller plus longtemps. Un mois s’écoule, tout se passe bien. Le retraité dit à Daniel qu’il devra s’absenter pendant deux nuits et Daniel accepte facilement de rester seul. Le premier soir, malgré quelques appréhensions, tout est calme. Mais le deuxième soir, patatras, ça recommence ! Et Daniel re débarque chez nous. Là, je commence à trouver la chose bizarre. D’une part, si Daniel revient en psychiatrie, ce n’est pas de gaîté de cœur. D’autre part, un mois d’une présence tierce, il ne se passe rien et les esprits commenceraient à se manifester dès que Daniel est seul. Pourquoi pas, évidemment, les esprits sont les esprits mais je demande à comprendre…
-          Femme de peu de foi !
-          Ouais, garde tes citations calotines et laisse-moi continuer. Cela dit, café, liqueur ?
-          Un expresso et une Izarra verte pour la digestion. Peut-être un peu d’ail pour éloigner les vampires.
-          Moi aussi un café et l’addition s’il vous plaît.
Le garçon reparti, Christelle reprend son souffle :
-          J’ai contacté le retraité, ne serait-ce que pour lui faire connaître la situation. Puis, en discutant un peu, j’ai compris une chose : dans le village, tout le monde est au courant des faits et gestes de Daniel. Pour ses déplacements, il a juste une vieille mobylette qu’il laisse toujours au pied du perron. Sauf lors de ses séjours en HP. Donc, il n’est pas compliqué pour quiconque de savoir si Daniel est là. Et, s’il y a une voiture garée à l’entrée, c’est qu’il y a un tiers puisque Daniel n’a pas le permis. Et notre retraité en question a une voiture, qu’il gare à l’entrée. Donc, je me dis qu’il pourrait y avoir une embrouille et qu’il faudrait tirer cela au clair. Tu as bien raison, je ne crois pas aux fantômes et je suis peut-être une épouvantable cartésienne mais…
-          Epouvantable, disons que le mot est un peu fort, se marre Albert.
(à suivre...)

dimanche 22 septembre 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs V (3)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Vous qui commencez gentiment à me connaître, vous serez tout de même assez étonnés si je vous raconte une de mes dernières péripéties. Je vous rappellerai simplement que, dans ma chronique du 4 mai de cette année, je me gaussais ouvertement d’une surprenante initiative du président du Conseil Départemental de Lot-et-Garonne. Depuis cette date, il faut le dire, la présidence a changé de mains et c’est une présidente qui a pris les manettes en poursuivant le projet lancé par son prédécesseur et mentor. De quel projet s’agit-il donc, fieffé chroniqueur ?
Il s’agit de la création d’un conseil consultatif citoyen qui sera composé de 50 membres dont 42 désignés par le sort sur des listes cantonales de candidats volontaires, soit deux candidats pour chacun des 21 cantons du département, et encadrés par 8 conseillers départementaux. Tout cela dans le respect de la plus stricte parité. Pour faire bonne mesure, ces tirés au sort sont assortis de 4 remplaçants chacun qui seront, selon l’ordre de tirage, appelés à remplacer leur titulaire en cas de démission ou de décès. Le tirage au sort a eu lieu le 10 septembre de cette année dans chaque canton du département. Mais alors, maintenant que les élus sont tirés ou que les tirés sont élus, pourquoi donc revenir sur le sujet ?
Je me permets de vous citer quelques extraits de ma chronique du 4 mai pour que vous compreniez la suite : « Il s’agit, entre autres, d’instaurer un Conseil consultatif citoyen composé de 50 membres. Passons les détails, à bien lire on peut comprendre que, pour les élus départementaux, l’initiative citoyenne n’est acceptable que si elle est instaurée et encadrée par les élus. Et c’est bien là que le bât blesse chez les âmes républicaines. Qui de nous a déjà essayé seulement de s’adresser par écrit aux élus de tous niveaux ? Moi, j’ai osé et je peux vous dire que, pour une vingtaine de courriers en vingt ans, je n’ai reçu que quatre ou cinq réponses, généralement sous forme de fin de non-recevoir. (…) Mais, je n’insisterai pas sur cette anecdote personnelle sinon pour dire que des élus qui se moquent bien de ce que vous leur écrivez et qui vous organisent un département d’initiative citoyenne ne sont pas près d’écouter ce qu’on leur dira. Ils vont créer encore un échelon de plus, les dépenses y afférentes, et tout cela pour mieux enterrer ce que pourraient avoir à dire les citoyens lambda. Oh si, on fera des réunions, un compte-rendu dans les journaux, on s’extasiera sur les si bonnes idées proposées, on s’entre congratulera et pendant ce temps-là, les vaches seront bien gardées. »
Voilà ce qu’alors je disais mais comme je craignais, tant à la réflexion qu’au vu de la mise en place du projet, de devoir en rajouter, je vis que, pour pouvoir valablement parler de la chose, il fallait que je présente ma candidature et c’est ce que je fis. Nous étions dans le canton 27 candidats, 13 femmes et 14 hommes. Le tirage au sort me favorisa car ma candidature ne fut pas retenue, ni comme titulaire, ni comme remplaçant. Je dis bien que le sort me favorisa car j’étais, à mon avis, le seul candidat à vouloir ne pas être élu. Ainsi, je ne suis nullement obligé de participer à ce parlement croupion et je garde toute ma liberté de dire ce que j’en pense, moi qui ai couru le risque de participer à ce que je considère comme une mascarade.
On voit par-là qu’on en entendra encore de vertes et de pas mûres.

jeudi 19 septembre 2019

Appelez-moi Fortunio (32)


-          Il a été réhabilité ?
-          Doucement, pas de grands mots ! On lui a simplement foutu la paix, on a simplement reconnu une erreur de diagnostic psychiatrique mais c’est tout. Tu ne penses tout de même pas que les acteurs de la procédure se sont jetés à ses pieds en lui demandant pardon ! Et les vrais coupables, le couple infernal, se baladent toujours en ville. Mais on lui a blanchi le casier, c’est déjà ça. Ce qu’il s’est passé, c’est que la mère a été voir le père adoptif et l’a trouvé dans un état misérable. Le couple infernal avait pris  possession de la maison, avait mis la main sur une partie de l’argent et avaient remisé le vieux dans une misérable masure au fond de la propriété. Le vieux a reconnu avoir fait une fausse facture sous la pression de ce couple. Total, le couple se voit contraint de quitter les lieux avec une mise en demeure de restituer l’argent qu’ils ont soutiré au vieux. Mais bien sûr, ils sont insolvables ou prétendument tels. Le vieux, quant à lui, n’a pas eu le temps de revenir dans ses meubles car il a dû être hospitalisé en urgence et il est décédé à l’hôpital. Daniel est son seul héritier et il est entré en possession de la propriété, il a réussi à récupérer une partie de l’argent de son père, ce que le couple infernal ne lui avait pas encore extorqué…
-          Alors, dit Albert en finissant sa déclinaison de canard, tout est bien qui finit bien !
-          Oui, monsieur, vous avez presque tout compris…
-          Presque ?
-          Que prends-tu comme dessert ? Il paraît qu’ils ont un soufflé à la verveine qui est à tomber ! Ou alors, un sabayon, peut-être ?
-          Va pour le soufflé à la verveine, pour voir si j’en tombe…
-          Alors, cela sera une paire de soufflés, dit-elle prestement.
Le sommelier vient verser le vin et, après avoir repris son souffle, elle reprend :
-          Donc, il me faut remonter un peu en arrière : dès que la vérité a commencé à se faire jour, les psys de la prison psychiatrique ont bougé de quelques millimètres et, pour ne pas trop se déjuger, ils nous ont refilé le bébé sous prétexte de le rapprocher de chez lui. Je ne l’ai pas eu tout de suite dans mon service car il y a eu expertise et contre-expertise pour finalement le déclarer sain d’esprit. C’est là que nous l’avons pris en charge afin de préparer son retour à la vie ordinaire. Car quelqu’un de normal qui vit plus de quatre années d’enfer carcéral et psychiatrique n’en ressort pas totalement indemne. Nous avons eu de longs entretiens, c’est comme cela que je connais bien son histoire. Donc, voilà Daniel prêt à rentrer chez lui, on s’est occupé de mettre ses finances au clair, de virer les occupants indésirables et surtout de faire nettoyer la maison et la propriété. Une maison, un petit château peut-on dire, une maison splendide avec un parc beau et mystérieux. Le seul hic : le père adoptif est décédé et Daniel va donc habiter seul dans cette grande bâtisse. Mais il est prêt à assumer et on décide une première sortie d’une semaine. Si tout va bien, il reviendra nous voir pour nous dire ce qu’il veut faire. Quoiqu’il en soit, nous soignants n’avons plus autorité pour le faire revenir dans l’institution, c’est une simple possibilité qui lui est offerte mais on la lui doit bien après l’épreuve qu’il a subie. Donc, le voilà qui passe une première semaine chez lui. Au bout de cette semaine, il vient me voir pour me dire que tout se passe bien. Il a du mal à organiser sa vie de tous les jours, faire à manger, son linge etc. Mais il a une aide qui vient trois fois dans la semaine à domicile. Il a l’impression de reprendre ses marques dans cette grande bâtisse et il a la volonté d’y arriver. Donc, il ne revient pas en institution. Et pendant quinze jours, plus de nouvelles.
-          Le soufflé à la verveine est délicieux mais je sens venir l’embrouille, coupe Albert.
(à suivre...)