En vedette !

jeudi 31 décembre 2020

Dernier tableau (9)

 

What do you want to do ?
New mail

– Mon cher Hervé, vous venez de voir une authentique pétasse. Et je suis en deçà de la vérité, dit-il en se rasseyant en face de lui.

– Vous me voyez ravi de l’apprendre, mais qu’est-ce qui vous permet de parler ainsi ?

– Avant de devenir, par mariage, Madame Le Blévec, elle était femme de chambre dans un hôtel ici à Saint-Lambaire. Elle était fille de maraîchers mais elle avait une ambition dévorante. Et un cul splendide ! Elle a réussi à épouser Le Blévec, présentement sénateur-maire de Saint-Lambaire. Et pourtant quand il l’a prise, c’était déjà une occasion, elle avait tenté sa chance avec tous les beaux partis de la ville. Mais elle s’est rabattue sur ce Le Blévec, fils d’armateur, un peu couillon mais dont elle a fait quelque chose. Car c’est un nul. Mais elle l’a poussé dans la politique et elle est devenue la première dame de Saint-Lambaire.

– Ce n’est pas tout à fait un nul quand même ? dit-il.

– Et qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer, mon cher Hervé ?

– S’il est sénateur et maire, tout de même…, hasarde-t-il.

– Mon cher, pour être élu, point n’est besoin d’être intelligent. Il suffit d’avoir plus de voix que les autres. Et des voix, avec de l’argent, ce n’est pas trop compliqué à racoler. Il y a l’argent pour faire de la réclame, la propagande si vous préférez et il y a l’argent pour arroser les influents nécessiteux. Si tous les sénateurs et les députés étaient intelligents dans notre pays, cela se saurait, voyons ! Voyez seulement au plus haut niveau. Quand ils regardent bien notre président, tous les débiles de France et de Navarre se disent : « s’il y est arrivé, pourquoi pas moi ? ». Quant aux autres, ceux qui ont quelque chose dans la tête, ils préfèrent jouer dans la cour des grands et ne pas se mêler à tous ces attardés, bouffeurs de publicité, de paillettes et d’honneurs méprisables. Voyez, vous et moi, pourquoi irions-nous nous salir l’esprit avec ces débiles et leurs électeurs, alors qu’il y a tant de beauté à regarder, de choses intéressantes à faire et de bonne musique à écouter ?

– Mais ce sont vos clients aussi, vous ne cracheriez pas un peu dans la soupe ?

– Vous avez raison, mais je les ferai à leur tour cracher au bassinet, je vais la leur vendre cette toile car même aux conditions dictées par Madame Le Blévec, j’y retrouverai largement mes billes. Et elle ne l’ignore pas. Contrairement à son mari, elle a quelque chose dans la tête, elle. Elle veut se donner l’allure de me dicter ses conditions, mais elle n’oserait jamais me marchander réellement quoi que ce fût. D’une part je suis le seul sur la place qui puisse lui fournir ce qui lui permettra de tenir son rang…

– Elle pourrait aller acheter ailleurs, coupa-t-il avec audace.

– Laissez-moi donc terminer ma phrase, mon cher, je suis le seul sur la place et je sais trop de choses pour qu’elle puisse éviter de venir me consulter.

– Trop de choses sur elle ?

– Sur elle bien sûr, mais aussi sur son mari et sur ce qui se passe dans cette ville. Un antiquaire comme moi, de vieille souche lambairoise, est depuis toujours le conseiller ou le confesseur des familles installées ici depuis des générations. Combien de meubles de famille, de bijoux ou de tableaux sont passés par mes mains, mais si souvent dans la plus grande discrétion. Ce n’est pas que cela me plaise de savoir toutes ces choses, mais c’est d’en avoir l’usage éventuel, que dis-je, de pouvoir distiller d’un regard la menace de parler ou a contrario de la dissiper d’un seul sourire complice qui m’amuse. Vous me comprenez ?  Mais, mon cher Hervé, je suis trop bavard aujourd’hui, je ne devrais pas vous dire tout cela, je ne sais pas ce qui me prend. Revenons à nos moutons : vous avez perdu ce scrabble de fort peu et je vous en félicite car quand je joue, je ne cherche pas à faire de cadeaux et si vous n’aviez pas eu la peur de gagner… Mais qu’à cela ne tienne, vous êtes maintenant tenu de revenir pour prendre votre revanche. Et je n’oublie pas le défi que vous m’avez lancé, ce que vous cherchez existe et, pour preuve, quand vous reviendrez je vous parlerai de l’histoire de ce couteau turc que je ne vendrai plus jamais.

– Car vous l’aviez vendu ?

– C’est tout pour aujourd’hui, j’ai été très prolixe, nous avons fait une belle partie de scrabble, n’abusons pas des bonnes choses. Repassez quand vous voulez, à la même heure de préférence, il y aura toujours au moins un thé à partager et vous prendrez des nouvelles de votre future acquisition.

– Je vous remercie pour votre accueil, je n’espérais pas passer une aussi agréable après-midi. Au revoir, Raymond.

– Au revoir, mon cher Hervé et portez vous bien. à très bientôt.

(à suivre...)

dimanche 27 décembre 2020

Contes et histoires de Pépé J (17) L’Encantada

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. S’il est un personnage légendaire du sud de la région, c’est bien l’Encantada, l’Enchantée, cette jeune femme qui vit au fond de grottes mystérieuses mais qui aussi bien souvent se mêle à la compagnie des hommes. Il y a de nombreux contes qui en parlent car une encantada peut très bien être amoureuse et même épouser un homme qui lui plait. Mais il y a un interdit majeur, sous peine qu’elle disparaisse à tout jamais, c’est de prononcer le mot encantada ou même fàda (fée en occitan, à ne pas confondre avec fadà, l’ensorcelé ou le simplet) en sa présence.

 

Il y en a des histoires qui parlent de cela et je vais raconter celle de de Péiro de la métairie des Peirets. Peiro était un beau jeune homme qui labourait ses champs en chantant, mettant partout à son entour sa joie de vivre et sa bonne humeur. La plus jeune des enchantées, elle avait tout juste di-huit ans, tomba amoureuse de lui et, pour se rapprocher de lui, elle se présenta à la métairie pour demander du travail comme servante. Le métayer, père du garçon l’embaucha à l’essai et quand il vit, dès le lendemain, que la jeune femme avait tant travaillé depuis avant l’aube qu’il n’y avait déjà plus à faire dans la maison, il lui demanda ce qu’elle savait faire d’autre. Elle lui dit qu’elle pouvait coudre mais aussi labourer, moissonner… Le métayer dit à son fils de l’envoyer sur une concade où il y avait du blé, elle commencerait là puis irait les rejoindre sur la pièce grande où eux et un ouvrier travaillaient déjà. Ils eurent la surprise de la voir revenir bien peu de temps après, ayant fini son ouvrage alors qu’eux-mêmes à trois n’avaient guère récolté encore qu’un peu plus d’une concade.

 

Le temps passa et un jour elle dit : « maintenant vous savez ce que je sais faire mais je voudrais épouser le Péiro si cela vous agrée ainsi qu’à lui ». La jeune fille était belle comme un cœur, travaillait comme quatre  et mettait du bonheur partout autour d’elle, autant le Péiro que les parents se félicitèrent d’une telle union. Et ainsi, ils se marièrent, comble de bonheur ils eurent deux beaux enfants et jamais la métairie n’avait été aussi bien tenue, aussi prospère et à l’abri de tous les soucis. Quand Péiro, se levant le matin et voyant la maison balayée, les repas prêts, les enfants lavés et peignés et le pain au four, il s’émerveillait et il lui avait un jour demandé comment elle faisait. Elle lui avait dit : « jouis de ton bonheur et ne te pose pas de questions. Si tu me soupçonnes d’être une enchantée, surtout ne dis jamais ce mot devant moi ! »

 

Mais les hommes sont ainsi, il faut toujours qu’ils cherchent à comprendre et un jour il arriva que Péiro lui dise : « tu ne veux pas le reconnaître, mais sûrement tu es une enchantée. » A peine avait-il dit ces mots qu’elle disparut et on ne la revit plus. Mais les enfants continuèrent d’être soignés et les champs travaillés sans que nul ne sache comment. C’était l’Encantada qui faisait tout cela.

 

Je ne peux pas parler à ce sujet sans évoquer la chanson de Nadau « L’Encantada » qui est certainement une de ses plus belles et qui est un véritable hymne à l’amour qu’il a chanté accompagné des meilleures bandas du sud-ouest. Je vous cite la fin de la chanson, patapim, patapam, en français bien sûr car je ne voudrais pas, avec mon accent pointu, massacrer le texte en occitan : Pour moi, c’est l’Enchantée, / Et si ce n’est pas aujourd’hui, / Demain c’est sûr, / J’irai lui parler, / Je ne sais pas son nom, / Pour moi, c’est l’Enchantée, / Demain je lui dirai, / Je n’ai vécu jusqu’ici / Que pour vous rencontrer.

 

Je ne me fatiguerai jamais de citer Nadau et surtout allez le voir en concert tant qu’il est encore plein de jeunesse, le temps passe tellement vite.

 

Voilà, c’est vrai et c’est toute une histoire… de Nadau ! Palalaï, palalaï, laï (bis)

What do you want to do ?
New mail

jeudi 24 décembre 2020

Dernier tableau (8)

 

La partie est acharnée et Raymond l’emporte au dernier tour, d’une courte tête. à ce moment entre une dame d’une cinquantaine d’années, élégamment habillée. L’antiquaire se lève, faisant signe à Hervé de ne pas bouger, et s’empresse auprès de sa cliente.

 

– Mes hommages, Madame Le Blévec, c’est toujours un honneur et une joie pour moi de vous recevoir ici. Voulez-vous vous asseoir ?

– Merci, Monsieur Marondeau, mais je voudrais trouver un miroir ou un tableau, vous savez, pour mettre sur le dessus d’une cheminée. Dans l’antichambre, nous avons une très belle cheminée affligée d’un tableau hideux, une de ces natures mortes avec de la volaille ou du gibier. Vous avez bien quelque chose à me proposer, je verrais bien une marine…

– Ne mettez pas une marine au dessus d’une cheminée, chère Madame, je verrais plutôt une nature morte, mais bien évidemment pas un étalage de volailler, une nature morte avec des fleurs, des fruits, éventuellement une scène de chasse. Si vous voulez une marine, je peux vous en proposer, mais pour votre salle à manger, votre salon. Regardez cette nature morte par exemple. Bien sûr le cadre ne lui convient guère, mais je pourrais le faire modifier, ce qui serait beaucoup plus opportun. Je ne vous dis pas de choisir ce tableau néanmoins, il est peut-être un peu terne, mais cela donne une bonne idée de ce que je pourrais vous proposer.

– Je retiens votre proposition, Monsieur Marondeau, je crois que vous trouverez quelque chose qui me conviendra. Mais à propos de marines, vous avez, dites-vous, quelque chose, un très beau tableau pour mon salon ? J’aimerais me débarrasser de quelques horreurs qui datent de mes beaux-parents et donner à mes murs un peu plus de lustre.

– Oui, j’ai justement une très belle marine d’Artur Leyden, venez la voir, elle est par ici. Connaissez-vous Artur Leyden ?

– C’était un peintre lambairien, je crois, répond Madame Le Blévec.

– Oui, sa cote n’est plus ce qu’elle a pu être, mais sa peinture a gardé toutes ses qualités artistiques. Pour qui l’achèterait, ce serait une acquisition de prestige, autant qu’un placement à long terme. Et il a une telle cote d’amour ici à Saint-Lambaire ! Voyez si ce tableau est superbe. Et il n’est vraiment pas à son avantage dans ce recoin si mal éclairé. Mais dans un salon aussi beau que le vôtre, je suis certain qu’il y sera comme dans un écrin…

– Je suis très tentée, Monsieur Marondeau, je ne venais pas pour cela, mais vous êtes toujours de si bon conseil…

– Chère Madame Le Blévec, les plus beaux objets doivent aller aux personnes qui savent les apprécier et les mettre en valeur. Et votre beauté donne de l’éclat aux plus belles choses.

– Vous me flattez, Monsieur Marondeau, mais je m’en voudrais de vous contredire, répond-elle en souriant. Alors, ce Leyden, il n’est pas hors de prix tout de même ?

– Comme je vous l’ai dit, chère Madame, sa cote n’est plus ce qu’elle était. Une marine comme celle-là valait, il y a vingt ans, dans les cent-vingt ou cent-cinquante mille francs. Aujourd’hui, je la vends seize mille euros et dans dix, quinze ou vingt ans, elle aura cinq à dix fois plus de valeur. Vous ne trouverez nulle part une aussi belle affaire. Mais c’est surtout un tableau de toute beauté. Vous savez, des Leyden, il est extrêmement rare d’en trouver… ceux qui en ont les gardent pour eux et c’est bien pour cela qu’il retrouvera sa cote un jour !

 

Elle s’approche du tableau, le scrute de près, puis recule pour le regarder sous des angles différents.

 

– Je suppose que vous le vendez avec un certificat ? demande-t-elle à Marondeau. J’ai confiance en vous mais à ce prix-là, j’aime bien avoir une garantie écrite.

– Bien sûr, Madame Le Blévec, votre confiance m’honore mais je suis bien loin d’être un expert en peinture. J’ai donc un certificat d’authenticité établi par un expert reconnu.

– Bien. J’en parlerai ce soir à mon mari, mais vous pouvez considérer que le tableau est à moi dès maintenant. Pour la nature morte, trouvez-moi quelque chose de bien et je vous prendrai les deux tableaux pour seize mille. Au revoir, Monsieur Marondeau.

– Au revoir, Madame Le Blévec, je m’occupe de tout. Mais confirmez-moi tout cela dès que vous le pourrez.

 

Elle sort, très altière, et Marondeau ferme la porte derrière elle.

 

(à suivre...)
What do you want to do ?
New mail

dimanche 20 décembre 2020

Contes et histoires de Pépé J (16) La guerre du Mexique

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. De notoriété publique, les études de médecine sont bien longues et il n’est que d’écouter la chanson de Boby Lapointe « La fille du pêcheur » pour s’en rendre compte : Tu avais promis, souviens-toi, qu'on se marierait / Mes études finies et lorsque je serai / médecin / Médecin, c'est long, bien long, et pour me consoler / Prenant un air distrait tu m'laissais cajoler / Les deux tiens. ». Je m’arrêterai là, l’essentiel étant dit au sujet de la durée. Mais de médecines, il y en a bien des variétés parmi lesquelles la médecine militaire. Et, comme le disait Georges Clémenceau, la médecine militaire est à la médecine ce que la musique militaire est à la musique. Je n’ignore pas qu’un certain nombre de gens aiment la trompette et le clairon tout en préférant le clairon qui est une trompette en uniforme mais je sais tout autant que les auditeurs de cette chronique ont un goût musical de bon aloi et ne se gavent pas de musique en uniforme.

 

Tout cela pour vous raconter une histoire qui s’est passée pendant la guerre du Mexique, une certaine guerre où bon nombre de soldats étaient des cavaliers pleins de hardiesse et de courage. Toutefois, le courage ne permettait pas de tout surmonter et il était parfois nécessaire à ces cavaliers de passer par l’infirmerie militaire pour soigner, entre autres, les maux dont souffraient les fondements de ces preux militaires.

 

Un jour, le général de la guerre du Mexique décida de visiter l’infirmerie afin de se rendre compte et de faire voir à ses troupes qu’il se souciait d’elles jusque dans les plus dures épreuves. Il arrive devant le premier malade, alité, et il le regarde avec une profonde bonté toute militaire puis il lui pose cette question :

 

-          Alors, mon brave, que t’arrive-t-il, pourquoi es-tu ici ?

-          Hémorroïdesss, mon Général, répond le troufion malade du troufignon.

-          C’est bien, coupe le Général. Et comment te soigne-t-on ?

-          Eh bé, on prend oun petit bâtonn, un bout de cotonn, teinture d’iode et badigeonn…

-          C’est bien, cela, et quel est ton plus cher désir ? Demande le Général.

-          Guérirr rrapidement pour rretourner au service de mon Général !

-          C’est bien, tu es un brave. Au suivant… Et toi, que t’arrive-t-il ? demanda le Général en arrivant devant le lit suivant.

-          Hémorroïdesss, mon Général, répond le cavalier touché lui aussi à la selle.

-          C’est bien, coupe le Général. Et comment te soigne-t-on ?

-          Eh bé, on prend oun petit bâtonn, un bout de cotonn, teinture d’iode et badigeonn…, dit le soldat en montrant so arrière-train.

-          C’est bien, cela, et quel est ton plus cher désir ? Demande le Général.

-          Guérirr rrapidement pour rretourner au service de mon Général !

-          Ah ! toi aussi tu es un brave, c’est bien. Au suivant. Et toi, que t’arrive-t-il, dit le Général en arrivant au troisième lit.

-          Anngine, mon Général, dit le soldat d’une voix rauque.

-          C’est bien ! Et on fait comment pour te soigner ?

-          Eh bé, on prend oun petit bâtonn, un bout de cotonn, teinture d’iode et badigeonn…, répond le soldat en montrant sa gorge.

-          Et quel est ton plus cher désir ? Demande encore le Général.

-          CHANNGER LE COTONN ! Mon Général !

-           

Voilà, c’est tout et c’est une vraie histoire.

 

 

 

What do you want to do ?
New mail