Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d’ahan
Ton cours vers d’autres nébuleuses
Guillaume
Apollinaire (Alcools).
III.
Un temps, Pijm a pensé faire venir une grosse
pelle, ou un bulldozer pour faire aplanir cette ruine et effacer les traces de
ces bâtiments. Mais effacer n’est pas oublier. Il se souvient de ce qu’a écrit
Füllen : « par ces pierres, le château a été largement
imprégné de toute cette histoire ». Il sait que jamais il ne se défera
de La Furetière, elle lui colle à la peau.
Alors,
il se perd dans la dépression, dans les ténèbres de l’inaction, dans une vie au
jour le jour, sans but et sans personne à qui parler.
Puis
il décide de se relever. Il doit bouger, agir, rencontrer du monde et aller
vers les autres.
Il
commence par trouver un accord avec Tomi et avec Galipette pour la mise en
valeur de ses terres. Il achète des outils, fait venir du monde pour couper du
bois, arrange quelques pièces dans la maison. Il propose à Christian de
travailler pour lui en échange de la location de la maison du gardien. La vie
reprend à La Furetière, Pijm a des projets pour aménager le bâtiment, il
pourrait créer des gîtes, des locations saisonnières. Il fait des démarches pour
obtenir des prêts, des subventions et des aides.
Il
écrit à ses filles et à sa femme pour les inviter à venir l’été suivant :
il arrangera des chambres, il a déjà mis en état la cuisine et créé une salle
de bains. Lisa réserve encore sa réponse mais les filles sont enchantées de la
proposition.
Toutefois,
au fond de lui, il y a cette sensation récurrente qu’il est là pour découvrir
le secret de La Furetière et de son église. Et cela revient comme une
ritournelle lancinante. Il la chasse, elle revient au galop.
C’est pour cela qu’il s’agite, pour occulter
ce murmure au fond de lui. Il se sent mieux, il dort bien, il fait à manger non
seulement pour lui mais il invite parfois l’un ou l’autre, il participe à la
vie du village et se fait des amis. Enfin, des connaissances, car s’il avait un
vrai ami il pourrait lui en parler…
En parler, voilà ce qu’il lui manque. Mais
qui donc l’entendrait ? Qui comprendrait ce qu’il a vu, vécu et
entendu ? Et, d’abord, comment le dire ?
Il continue, coupe du bois, nettoie, range,
arrange. Pour arranger, il faut des meubles. Et des meubles, il y en a dans le
grenier, la caverne d’Ali-Baba. Et pour ce qui est de ranger, il y a de quoi
faire.
Vider un grenier, cela n’est rien si on agit
vite et sans préjugés. Mais vider un grenier qui contient peut-être des bribes
d’histoire, des lambeaux de vécu, c’est autre chose…
Il passe de longues journées dans ce grenier.
Oh, il travaille, il nettoie, il range, il évacue. Il est pris dans une
ambiance, l’ambiance d’un passé enfoui dans la poussière.
Et il n’y a pas que le grenier, il y a aussi la tour
avec sa bibliothèque. Il n’y a pas grand-chose là-dedans. Puis il y a encore
l’étage supérieur, ces petites chambres où il n’aime pas aller. De plus, il y a
un grenier au-dessus des chambres. Il n’y est jamais allé et il serait bon de
voir l’état de la toiture. Un jour en fin d’après-midi, il prend une échelle et
soulève la trappe.
(à suivre...)
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