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jeudi 11 août 2022

Dernier tableau (89)

 

– Ma tire, comme tu dis, c’est comme un coffre-fort ! Jamais personne n’y a rien volé. Ma main à couper que tes tableaux t’attendent bien gentiment.

– Bon, si tu le dis, je te crois. Je voudrais encore te demander une petite chose : je ne veux pas que la Visa reste sous mes fenêtres. J’ai toujours les clés et la tête de Delco chez moi. On va chercher les tableaux, on les ramène chez moi, je prends les clés et la pièce, on descend mettre la punaise en route, je la gare sur le boulevard Laparrat et tu me ramènes ici. Et à ce propos, je vais te filer des sous pour te défrayer de ta soirée et de ton essence.

– Tu ne me files rien, à charge de revanche qui sait ? Mais pour le taxi depuis le boulevard, c’est Ok. Tu as la flemme de marcher ?

– Oui, un peu. Et je ne veux pas trainer près de chez Sara, je pourrais faire une mauvaise rencontre…

– Tu ne veux plus la revoir ?

– Je me méfie maintenant, j’aurais peut-être dû le faire plus tôt, mais c’est comme ça…


Ils consomment leurs cafés et leurs croissants et vont ensuite constater que les tableaux sont toujours dans la fourgonnette. Ils les remettent en place chez Hervé, puis redescendent. Hervé prend la Visa et la gare sur le boulevard. Il saute ensuite dans la fourgonnette d’André.


– Tu as laissé les clés dessus ? demande ce dernier.

– Non, elle a peu de chances de tenter les voleurs, mais tout de même…

– Et tu comptes en faire quoi ? Les balancer dans un égout ?

– Quand même pas, je ne sais pas…

– Alors, passe-moi cela, dit André en prenant les clés. Tu m’as dit quel numéro dans la rue Onfray ?

– Le 27, tu ne peux pas te tromper, il y a un panneau « atelier d’artiste ».


André sort de la voiture et part dans la rue Onfray. Il revient deux minutes après et reprend le volant de la deux-chevaux.


– Les clés sont dans la boîte aux lettres, restons galants jusque dans l’adversité !


Il dépose Hervé rue Équoignon et repart vers ses activités habituelles.


*


Arrivé dans son appartement, Hervé met un peu d’ordre et se prépare du café. Le téléphone sonne.


– Hervé Magre ? C’est Tucaume, Fred.

– Salut Fred, comment vas-tu ?

– Bien, bien. J’ai des nouvelles pour toi. Tu te souviens, je t’avais dit que je pouvais tenter de retrouver quelque chose du dossier Veudenne dans les archives.

– Le dossier Veudenne ?

– Le dossier Madeleine Veudenne, le dossier Leyden si tu préfères. L’archiviste que je connais m’a laissé le consulter. Mais juste consulter, pas question de faire des photocopies, pas question de prendre des notes. Mais je peux te dire ce qu’il y a dedans. Et ce qu’il n’y a pas. Car l’archiviste m’a dit qu’il manquait au moins une pièce, sinon deux. Il y a en tout cas un premier procès-verbal d’audition d’Artur Leyden, concernant ses relations avec Madeleine Veudenne. Puis il y en a un autre dans lequel il est question d’un certificat médical établi par un médecin de l’hôpital de Rennes. Il en ressort que, suite à une maladie dite infantile – les oreillons – qu’il avait contractée vers l’âge de trente ans, Leyden était devenu stérile. Le médecin a aussi été auditionné, j’ai vu le PV. Apparemment, l’enquête en était à ce point-là lorsque Leyden est décédé. Et c’est là qu’il y a un deuxième point très intéressant : le dossier a été classé, le dossier dit « Madeleine Veudenne » je te rappelle, mais pas sur ordre du procureur. Il y a dans le dossier une note du secrétaire de la sous-préfecture. Il y est fermement demandé de classer le dossier suite au décès des deux protagonistes. C’est bien le mot employé. Le gendarme qui a reçu cet ordre a noté qu’il avait appelé le bureau du procureur. Il n’avait eu qu’un substitut qui lui avait répondu « ne vous posez pas de question, faites ce qu’ils vous disent ». Le gendarme a noté cela, il voulait sans doute se couvrir. Voilà, c’est tout, mais cela tendrait à prouver que Leyden était pour ainsi dire innocenté. Stérilité ne veut pas dire impuissance, bien sûr, mais il n’avait en tout cas pas mis la gamine enceinte. Ensuite, il y a eu intervention de la part de l’exécutif. Je ne dirais pas que cela n’arrive jamais, mais c’est quand même ce que l’on appelle une intervention venue de haut. Troisième point, il manque une ou plusieurs pièces dans le dossier. Ce n’est pas un coup de vent fortuit qui a fait cela. Je ne dirais pas non plus que cela n’arrive jamais, mais cela pose toujours question.

(à suivre...)

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