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jeudi 9 avril 2020

Appelez-moi Fortunio (61)


III. Le maître des esprits.

Le lendemain, Albert se réveille de bonne heure, il prépare café, petit déjeuner et réveille Daniel qui a du mal à émerger.
-          Lève-toi et marche ! Lui intime Albert. On vient te chercher à neuf heures et demie, tu as le temps de casser la croûte et de rassembler tes affaires mais ne traîne pas.
-          Kéketumedi ? Demande Daniel, embrumé.
-          Ils ont téléphoné de l’hôpital, ils envoient une ambulance. Tu pars quelques jours, je te fais remplacer par un infirmier et tu me reviendras requinqué dans une maison saine et libre de toute occupation fantomatique !
-          J’avais plus envie de partir, moi…
-          T’avais qu’à pas téléphoner hier soir, mon pote, faut assumer maintenant…
-          Ben oui mais hier soir, y m’ont dit…
-          Hier soir, c’était hier soir. Ce matin, c’est ce matin !
-          Tu vas pas me refout’ des baffes quand même ?
-          C’étaient pas des baffes, seulement des petites calottes, juste pour les amis quoi ! Mais c’était un cas d’urgence, tu comprends ? Tu m’en veux ?
-          Oh, si c’est une marque d’amitié, je préfère qu’on reste amis pour pas que tu en viennes aux vraies baffes alors, si ça c’étaient que des petites calottes !
-          Je sais, j’ai pas toujours la main légère, j’étais dans l’élevage du bétail, moi, avant, pas dans la fonction publique…
-          T’aurais pu y faire un tour alors, y’a de sacrées peaux de vaches dans le lot…
-          Allez, on parle pas politique maintenant, bois ton café, c’est moi qui l’ai fait !
Pendant le petit déjeuner, Daniel retombe dans sa morosité et Albert doit le talonner pour qu’il prépare ses affaires. L’ambulance arrive en faisant crisser le gravier comme dans les romans et s’arrête devant le perron. Le passager, vêtu d’une blouse d’infirmier et coiffé d’un calot, sort et monte l’escalier du perron. Avant d’ouvrir, Albert constate de visu qu’il s’agit bien de René Cinsault. Il ouvre et le fait entrer.
-          Euh, oui, je fais quoi là ? Dit-il.
-          Tu attends cinq minutes puis tu fais venir ton collègue en lui criant bien distinctement que Daniel a changé d’avis et qu’il ne vient plus.
-          Je pars plus ? Demande Daniel.
-          T’occupes, tu vas partir mais dès que le chauffeur sera ici, tu vas mettre la blouse de monsieur et son calot. Quand on te le dira, tu monteras dans l’ambulance à côté du chauffeur et zou, tu pars avec lui ! Et tu laisses ton sac avec tes affaires ici, tu n’en n’auras pas besoin tout de suite et ça fait partie du truc.
-          C’est bizarre, tout ça, décrète Daniel.
-          Bizarre ou non, c’est comme ça et pas autrement. Allons, les cinq minutes sont passées, monsieur l’infirmier, je vous prie de sortir sur le perron et d’apostropher votre chauffeur.
-          Bien, chef, répond René.
Il sort sur le perron et de sa voix de stentor répète ce que lui a demandé Albert. Le chauffeur sort de l’ambulance et entre dans la maison. 
(à suivre...)

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