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jeudi 28 juillet 2022

Dernier tableau (87)

 

– Ce macaroni a le cul bordé de nouilles ou alors il est cocu ou les deux à la fois. Il était à peine dans la rue Comédon qu’un taxi est passé, un retour de course je suppose. Il s’est arrêté et le Toto est monté dedans. Il ne va pas tarder à récupérer sa béhème.

– Encore faudrait-il qu’il sache rebrancher les fils du contact, tu ne penses tout de même pas que j’ai tout remis en place. Mais il va pouvoir remettre la main sur sa fausse monnaie et donner un pourliche royal au taxi, répond Hervé.


Ils attaquent le fromage dans la foulée, commandant une autre bouteille de vin rouge.


– Toutes ces émotions, ça me dessèche la gorge, déclare André. Mais je ne savais pas que tu avais une bonne descente toi aussi.

– Je ne bois pas souvent, mais quand je m’y mets, je m’y tiens. En tout cas, je retiens l’adresse pour les sandwiches. Je n’ai pas encore eu l’addition, mais j’ai comme l’impression que je reviendrai, dit Hervé en servant un verre de rouge.

– Par contre, au point où on en est, tu n’aurais pas un fauteuil ou un canapé à me prêter pour la nuit ? Je dépassais déjà la limite autorisée avant que tu me téléphones, mais maintenant le vinaigre des cornichons risque de faire virer le ballon. Et puis, ma bobonne n’aime pas me voir rentrer avec l’haleine trop chargée…

– Pas de problème, il y a même un convertible et un petit déjeuner demain matin, répond Hervé.

– Bien, alors je l’appelle pour lui dire que j’ai une urgence ce soir, un boulot de nuit, que sais-je…


André sort sur le trottoir et rentre après avoir appelé.


– Parfait, dit-il. Elle menace de divorcer, c’est bon signe.

– Dans quel sens ?

– C’est un signe de santé mentale. Comment voudrais-tu qu’elle survive avec un mari comme moi si elle n’envisageait pas de temps en temps la possibilité du divorce ? C’est comme la vraie perpète pour le taulard, ce serait à devenir dingue. Alors qu’en taule tu peux toujours espérer des remises de peine.

– C’est le bagne pour une gonzesse d’être mariée avec toi ?

– Pire que cela. Allons, ne détournons pas la conversation. T’as commandé une troisième bouteille de pif à ce que je vois. Alors sers-moi un coup et continues ton histoire.

– Si je dois tout te raconter, on en a jusqu’à demain et il est déjà minuit. Je vais rester sur l’essentiel, que tu comprennes, déclare Hervé.


Et il reprend l’histoire du tableau, de Leyden, d’Achille et tutti quanti. Une heure plus tard, André s’exclame :


– Merde, encore une boutanche de vide. C’est pas possible, il doit y avoir un trou au fond ! Madame, s’il vous plaît, une autre et c’est pour moi. Et après, c’est promis, on s’en va.


Il se penche légèrement sur son siège de manière à libérer une fesse et, comme la patronne est partie chercher une bordelaise dans l’arrière-boutique, il lâche une flatulence prolongée et modulée, dans les graves.


– André, je t’aime bien mais t’es un cochon, décrète Hervé sur un ton un peu vaseux. La patronne va venir et tu vas l’embaumer. Tes paroles - comme disait un de mes clients -tes paroles sont bien bonnes mais ton cul les empoisonne !

– Je crois qu’on a intérêt à la boire celle-là et d’aller au pieu en effet, répond André.

– Bon, dis-moi. Tu sais que je suis retraité, mais moi je ne sais rien sur toi. Tu fais quoi dans la vie quand tu ne travailles pas pour Marondeau ?

– Bonne question, tu crois peut-être que je vis d’amour, d’eau fraîche et du salaire de ma femme ? Que non pas ! Je bosse à l’hôpital de Saint-Lambaire, je suis ouvrier d’entretien, j’ai des horaires décalés qui me permettent d’être assez disponible. Je fais du black, comme tout travailleur manuel fonctionnarisé…

(à suivre...)

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