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dimanche 25 octobre 2015

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (7)

Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La réforme des collectivités territoriales n’a pas que des inconvénients, elle fait aussi le bonheur des peintres et des enseignistes qui ne savent plus où donner du pinceau. Pensez donc : d’un trait de plume, le gouvernement a changé l’appellation de nos conseils généraux pour les renommer conseils départementaux, imaginez en conséquence le nombre de panneaux,  d’enseignes, de placards d’autobus et autres qu’il faudra modifier pour ne pas dire refaire.
Nos fabricants de panneaux ont par ailleurs de beaux jours devant eux avec tout ce qui fait florès à l’entrée des villes et villages. On ne compte plus les panneaux signalant les multiples qualités supposées des villes et des villages à leurs diverses entrées qui sont autant de sorties possibles. Il y a bien sûr, devenant à peine visible dans le fouillis informationnel, le nom de la bourgade ou commune en question. Les intercommunalités sont des sources de nouveaux gisements pour la création de panneaux indiquant un nom à rallonge, alambiqué et  sous-informatif. Il y a aussi un panneau indiquant les jumelages plus ou moins nombreux suivant l’importance et le rayonnement de la cité. Ensuite des panneaux indiquant qu’il y a de riches habitants dans la commune et qu’ils sont associés en clubs assez sélects quoiqu’humanitaires pour ne pas dire caritatifs. Puis tous ces indicateurs signalant que la commune a été honorée pour un fleurissement qu’il soit biologique ou non, arrosé à l’eau potable ou non, mais fleurissement dûment homologué et catalogué. Ensuite un panneau signalant l’engagement écologique de la municipalité. Puis un autre signalant la qualité stellaire du village. Et, le cas échéant, quelques panonceaux signalant que le village est un des plus beaux de France, ou préféré des français téléspectateurs ou encore que le site est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, dûment estampillé par l’Unesco. En outre, surgissent aussi quelques panneaux d’interdiction, histoire de rappeler que la ville œuvre pour renflouer les caisses de l’Etat par le biais des amendes y afférentes. On peut seulement regretter que disparaissent petit à petit ces jolis panneaux verts signalant les heures des offices religieux et qui donnaient ainsi les heures d’ouverture des édifices des cultes divers.
Et, last but not least comme disent nos amis d’outre-Manche, voilà-t-il pas qu’une de nos têtes pensantes vient de proposer une nouvelle distinction élective, à savoir l’élection du plus sot village de France ! Gageons que la lutte sera dure mais, s’il y a quelques grands favoris, il ne faut pas négliger certains outsiders qui pourraient bien les coiffer sur le poteau et obtenir le panneau tant convoité. Car, soit dit en passant, un tel challenge suppose une mobilisation totale de la municipalité mais aussi une participation active de la quasi-totalité des habitants pour arracher ce trophée du plus sot village de France. Ainsi donc, maintenant que la loi tend à faire disparaître la publicité aux entrées de nos agglomérations, apparaît une autre forme de pollution, la pollution par la sottise… cela n’est-il pas merveilleux ?
Mais revenons à nos panneaux : maintenant un village qui n’aura plus ses trois, quatre ou cinq panneaux ne pourra plus guère s’appeler village, il se verra rétrogradé au triste rang de lieu-dit, d’endroit sans gloire et sans lustre, une localité quelconque. Un village sans panneau est comme un œuf sans sel ; sans nulle signalétique il montre l’absence de têtes judicieusement pensantes en son sein – têtes pensantes et dépensantes, bien sûr -, il n’a rien à inaugurer en son sein, pas d’officiels de qualité à inviter, nuls rubans à couper. Comment occuper nos élus de toutes farines et de tous niveaux, nos administratifs de tous sucres et de tous échelons si l’on n’a plus quelque marque communale distinctive à honorer par des discours et des raouts ?
On voit par-là que la gloire n’est qu’une question de budget. 

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