Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. La réforme des
collectivités territoriales n’a pas que des inconvénients, elle fait aussi le bonheur
des peintres et des enseignistes qui ne savent plus où donner du pinceau.
Pensez donc : d’un trait de plume, le gouvernement a changé l’appellation
de nos conseils généraux pour les renommer conseils départementaux, imaginez en
conséquence le nombre de panneaux, d’enseignes,
de placards d’autobus et autres qu’il faudra modifier pour ne pas dire refaire.
Nos fabricants de panneaux ont par ailleurs de beaux jours devant eux
avec tout ce qui fait florès à l’entrée des villes et villages. On ne compte
plus les panneaux signalant les multiples qualités supposées des villes et des
villages à leurs diverses entrées qui sont autant de sorties possibles. Il y a
bien sûr, devenant à peine visible dans le fouillis informationnel, le nom de
la bourgade ou commune en question. Les intercommunalités sont des sources de
nouveaux gisements pour la création de panneaux indiquant un nom à rallonge,
alambiqué et sous-informatif. Il y a
aussi un panneau indiquant les jumelages plus ou moins nombreux suivant
l’importance et le rayonnement de la cité. Ensuite des panneaux indiquant qu’il
y a de riches habitants dans la commune et qu’ils sont associés en clubs assez
sélects quoiqu’humanitaires pour ne pas dire caritatifs. Puis tous ces
indicateurs signalant que la commune a été honorée pour un fleurissement qu’il
soit biologique ou non, arrosé à l’eau potable ou non, mais fleurissement
dûment homologué et catalogué. Ensuite un panneau signalant l’engagement
écologique de la municipalité. Puis un autre signalant la qualité stellaire du
village. Et, le cas échéant, quelques panonceaux signalant que le village est
un des plus beaux de France, ou préféré des français téléspectateurs ou encore
que le site est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, dûment estampillé
par l’Unesco. En outre, surgissent aussi quelques panneaux d’interdiction,
histoire de rappeler que la ville œuvre pour renflouer les caisses de l’Etat
par le biais des amendes y afférentes. On peut seulement regretter que
disparaissent petit à petit ces jolis panneaux verts signalant les heures des
offices religieux et qui donnaient ainsi les heures d’ouverture des édifices
des cultes divers.
Et, last but not least comme
disent nos amis d’outre-Manche, voilà-t-il pas qu’une de nos têtes pensantes
vient de proposer une nouvelle distinction élective, à savoir l’élection du
plus sot village de France ! Gageons que la lutte sera dure mais, s’il y a
quelques grands favoris, il ne faut pas négliger certains outsiders qui
pourraient bien les coiffer sur le poteau et obtenir le panneau tant convoité.
Car, soit dit en passant, un tel challenge suppose une mobilisation totale de
la municipalité mais aussi une participation active de la quasi-totalité des
habitants pour arracher ce trophée du plus sot village de France. Ainsi donc,
maintenant que la loi tend à faire disparaître la publicité aux entrées de nos
agglomérations, apparaît une autre forme de pollution, la pollution par la
sottise… cela n’est-il pas merveilleux ?
Mais revenons à nos panneaux : maintenant un village qui n’aura
plus ses trois, quatre ou cinq panneaux ne pourra plus guère s’appeler village,
il se verra rétrogradé au triste rang de lieu-dit, d’endroit sans gloire et
sans lustre, une localité quelconque. Un village sans panneau est comme un œuf sans
sel ; sans nulle signalétique il montre l’absence de têtes judicieusement pensantes
en son sein – têtes pensantes et dépensantes, bien sûr -, il n’a rien à
inaugurer en son sein, pas d’officiels de qualité à inviter, nuls rubans à
couper. Comment occuper nos élus de toutes farines et de tous niveaux, nos
administratifs de tous sucres et de tous échelons si l’on n’a plus quelque
marque communale distinctive à honorer par des discours et des raouts ?
On voit par-là que la gloire n’est qu’une question de budget.
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