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jeudi 22 octobre 2015

Le cabot de Fortunio (68)

-          Ce gars est connu, il a fait de la scène, c’est un de ces rappeurs des cités... Il a sorti un disque ou l’autre. Je l’ai connu il y a trois ans à l’occasion d’une affaire de divorce, il n’était pas mon client… enfin, c’est un peu compliqué… disons qu’il me faisait chanter…
-          Chanter ? demandé-je.
-          Oui, il me faisait chanter, s’écrie Benledek avec force. Je ne sais pas comment il a su -mais il a su – que j’étais sorti avec une jeune fille, une mineure. Mais je ne savais pas, moi, qu’elle était mineure. Vous savez, de nos jours, à quatorze ans, les filles en paraissent bien plus…
-          Ton histoire de détournement de mineures on s’en fout. Je veux en savoir plus sur ton – comment l’appelles-tu encore ? - ton gus qui te faisait chanter. C’est lui qui t’as mandaté pour aller trouver le président de la fondation CL ?
-          Pas directement. Il m’a envoyé un de ses hommes de main, un beur des cités. Il m’a dit qu’il venait de la part de ce Latik, il m’a dit de rencontrer ce monsieur, un garagiste de Toulouse et de négocier avec lui. Et qu’il fallait faire vite, la vie de l’otage en dépendait…
-          Et tu as touché du fric pour ça ? demandé-je vertement.
-          Rien mais il me promettait de me laisser tranquille, de ne plus me demander d’argent…
-          Ah, c’était presque du bénévolat, quoi ! Allons, l’adresse du gars, son pédigrée, son numéro de téléphone. Et vite…
-          Mais je ne sais pas où il habite, pleurniche-t-il, il a…
-          Ducul, écoute-moi, déclare Léon, tu vas nous dire tout ce que tu sais sur ce ticket d’bus, de haut en bas, en long, en large et en travers, urbi et orbi et patin couffin, sur le mode vitesse rapide, on n’est pas d’ici et on veut tout savoir avant de partir. Alors, schnell !
-          Lui, je ne sais pas où il habite mais vous pourriez trouver, je vous l’ai dit, c’est quelqu’un de connu. Mais son homme de main, je sais qui c’est et je connais son adresse : il s’appelle Alouari Kantonès et il habite à Arcueil, impasse Halfon-Sallait au numéro 18.
-          Et tu le connais comment, monsieur Ducul ? repris-je sans aménité.
-          Je suis sorti avec sa sœur, c’est à son sujet que Latik Edkès me faisait chanter…
-          Sorti ? Tu couchais avec, non ? interroge Léon.
-          Oui, bon, mais c’est du passé, je vous jure…
-          Inutile de jurer, nous ne voulons que la vérité. Et son numéro de téléphone ?
-          En effet, j’ai bien noté un numéro, je vais vous le donner… mais… promettez-moi…
-          Ici, on ne promet rien, maître Ducul. Les bases de notre accord sont claires : tu nous dis ce que tu sais ; tu fermes ta gueule sur notre visite, quel que soit ton interlocuteur, et tu nous oublies, ce qui s’appelle oublier. En échange, on ne parle de toi ni aux flics ni à qui que ce soit d’autre si – et seulement si – tu nous dis tout ce que tu sais sur les fumiers qui ont flingué la femme prise en otage. Car, dois-je te le rappeler, petites burnes, tu es complice jusqu’au cou, complice d’un assassinat !
-          C’est vrai ça, ils l’ont tuée ?
-          Devine ! Bien sûr qu’ils l’ont flinguée. Et toi, là-dedans, tu es mouillé jusqu’au cou, continue Léon. Donc, si tu nous file un tuyau crevé, tu cours des risques, de gros risques : aujourd’hui, on est venu faire une visite de courtoisie, entre la poire et le fromage mais il se pourrait qu’on devienne mal raisonnables, pour ne pas dire pire, dis-je en me relevant.

-          Ecoutez, je vais vous donner le numéro du dénommé Kantonès, vous avez son adresse, je suppose que vous pourrez retrouver Edkès en faisant quelques recherches…
(à suivre...)

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